Vous déménagez ? Total Direct Energie le prédit avec le machine learning

Cet article a été publié originellement sur mydatacompany.fr

Pour les fournisseurs d’énergie, le déménagement d’un client est souvent synonyme de fin de contrat. Pour réduire le churn, Total Direct Energie s’appuie sur un algorithme de machine learning prédisant les déménagements de ses clients et déclenche des actions marketing ciblées.

Un déménagement, c’est un nouveau départ. Pour les fournisseurs d’énergie, c’est en revanche trop souvent un moment difficile dans la vie d’un contrat d’énergie. Les clients n’emmènent en effet pas systématiquement leur prestataire dans leur carton. En clair, ils souscrivent pour leur nouveau logement une offre concurrente.

Comme les télécoms, les acteurs de l’énergie « souffrent beaucoup de la volatilité des clients ». Total Direct Energie, 3e acteur du marché avec 4,4 millions de clients, ne fait pas exception à la règle, confirme sa chief data officer, Eurydice Laffeyraryie.

 

Le déménagement, première cause de churn

Le déménagement est ainsi le premier motif de résiliation. C’est donc également une bonne raison d’investir afin de réduire ce motif d’attrition, coûteux. Fin 2018, la filiale de Total initie donc un projet de machine learning, Prédidém.

Son but est simple : détecter le plus en amont possible les clients susceptibles de déménager. Grâce à cette détection, le fournisseur peut déclencher des actions ciblées. Il espère de cette façon mieux accompagner les consommateurs dans leur démarche afin qu’ils transfèrent leur contrat dans leur future résidence.

Plusieurs options ont été testées. Dans un premier temps, un data scientist travaillait en local sur une loi de survie afin de répondre à cette problématique. La piste sera abandonnée par la suite au profit d’un modèle de machine learning (sur du XGBoost).

« Il nous permet de donner une probabilité pour que tel client déménage à un horizon paramétrable, mais en l’occurrence de deux mois » détaille la CDO de Total. En France, les déménagements répondent à une saisonnalité (entre avril et octobre). Sur cette période de 2019, l’entreprise a donc réalisé un premier test du modèle et confirmé son efficacité.

La phase d’industrialisation interviendra plus tardivement cependant – en mai 2020, à la sortie du confinement. Lors des tests, le modèle était donc exécuté en local par le data scientist, qui générait ainsi une liste d’identifiants client.

Prédidém connecté à Adobe Campaign pour cibler les intentionnistes

Cette base alimente en effet l’outil de marketing relationnel de Total Direct Energie, à savoir Adobe Campaign. Prédire est une chose, mais encore faut-il déclencher ensuite des actions auprès de ces clients susceptibles de déménager. C’est la raison pour laquelle Prédidém se combine à des communications marketing (email et SMS). Grâce aux cookies, les intentionnistes recevront en outre des messages sur d’autres services, comme les réseaux sociaux et les moteurs de recherche via du retargeting.

L'algorithme au départ des actions de marketing digital
<strong>Lalgorithme au départ des actions de marketing digital<strong>

Mais en ce qui concerne l’algorithme lui-même, la précision apparait au rendez-vous à l’issue des expérimentations. « Sur la population ciblée, quatre fois plus de personnes entamaient un formulaire de déménagement », soit la procédure permettant de transférer leur contrat à leur nouvelle adresse.

Pour fonctionner, Prédidém exploite l’ensemble des données de l’entreprise sur ses clients, c’est-à-dire la data dite « first party ». Cela comprend par exemple son offre, des informations sur son logement, son compteur, sa situation personnelle. Les célibataires sont plus enclins à déménager par exemple. Ces données englobent aussi les interactions avec le client, comme ses actions sur l’application mobile du fournisseur et sur l’espace client.

Voilà pour la phase préliminaire. Sur la base des premiers résultats, Prédidém doit désormais basculer en phase d’industrialisation. Pour y parvenir, Total Direct Energie complète sa stack big data avec la solution Databricks.

« Databricks nous permet de disposer de ressources pour notre algorithme, et pour les autres, qui sont élastiques. Plus l’algorithme est coûteux et plus nous pouvons libérer de capacités pour l’exécuter. Par ailleurs, les ressources sont non-concurrentielles »  détaille Eurydice Laffeyraryie.

Dabricks pour gérer le passage à l’industrialisation

La technologie sélectionnée permet en outre d’éviter les ruptures lors de l’industrialisation. L’aspect gouvernance était également important, en offrant un suivi entre les différentes versions d’un même algorithme. « C’est très précieux lorsqu’on veut mettre en mode industriel des algorithmes » insiste la chief data officer.

Databrick intervient pour l'élasticité, l'industrialisation du code et la gouvernance
<strong>Databrick intervient pour lélasticité lindustrialisation du code et la gouvernance<strong>

A ce jour, l’algorithme s’exécute de manière hebdomadaire. Le lundi, il génère ainsi une liste d’identifiants client intentionnistes en fonction d’un seuil de prédiction paramétrable, révisé fréquemment. Le mardi, ces informations remontent sur Adobe, qui déclenche l’envoi d’une campagne email pour les clients ne disposant pas de l’application mobile. Les autres reçoivent une notification push dans l’appli de leur fournisseur d’énergie.

Le vendredi enfin, les clients ayant ouvert les messages mais sans remplir un formulaire de déménagement font l’objet d’un appel téléphonique de l’entreprise. En l’absence de réponse, un SMS est envoyé en fin de journée. L’appel est d’ailleurs l’occasion de qualifier la donnée, c’est-à-dire de vérifier si oui ou non le client prévoit de déménager comme Prédidém l’identifie.

Résultat : près de la moitié des destinataires de l’email ouvrent le message pour un taux de clic en moyenne de 3,2%. Mais surtout, parmi ces derniers, 42% remplissent effectivement une demande de déménagement. Total Direct Energie revendique ainsi un taux de conversion de 9,4%. Tout n’est pas encore gagné cependant puisque le taux de reprise est lui de l’ordre de 40%.

Un algorithme, mais surtout une transformation business

Pour améliorer l’efficacité de son algorithme et des démarches clients qui suivent, l’entreprise réfléchit à des mesures. Celle-ci étudie par exemple la faisabilité juridique d’alimenter Prédidém avec de la donnée tierce ou third party. Acteurs de l’assurance et des télécoms, concernés eux aussi par la problématique des déménagements, pourraient aussi partager des données.

Afin de faire progresser le taux de reprise, soit les clients sollicités qui effectivement effectuent un transfert de contrat, Total prépare également des évolutions. Nouveaux parcours client, personnalisation du message et promotions sont ainsi à l’étude.

Prédidém n’est cependant pas uniquement un chantier technique. La chief data officer insiste en effet sur les différentes transformations induites dans l’entreprise par l’introduction d’un algorithme. Elles concernent la DSI certes, mais les autres métiers aussi, comme le marketing et les conseillers client des plateaux téléphoniques.

« Le but, c’est d’avoir un impact business. On ne se satisfait pas d’avoir un algorithme précis. Cela ne suffit pas. On veut vraiment un algorithme qui nous aide à réduire le churn. Pour cela, on travaille sur tout le processus qui l’accompagne » conclut Eurydice Laffeyraryie.