Boris Piquet (GoCardless) : « Les entreprises qui ne prennent pas le virage de l’open banking risquent de disparaître »

Les retards de paiement peuvent avoir des conditions désastreuses pour la pérennité d’une entreprise, d’autant plus en situation de crise. Alliancy s’est entretenu avec Boris Piquet, expert en paiements chez GoCardless pour relever l’importance pour les organisations d’automatiser le règlement de leurs factures et ainsi mieux piloter leur trésorerie. Un virage numérique indispensable pour assurer une meilleure résilience et optimisation des coûts. 

Boris Piquet, expert en paiements chez GoCardless.

Boris Piquet, expert en paiements chez GoCardless.

Alliancy. À quelles cibles s’adresse la solution de paiement de GoCardless ?

Boris Piquet. Gocardless est un établissement de paiement récurrent, régulé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’instance nationale chargée de la surveillance de l’activité des banques et des assurances. Nous comptons environ 550 salariés répartis dans six bureaux à travers cinq pays dans le monde. Notre siège est basé à Londres, puis, nous nous sommes installés à Paris en 2018 après le lancement de notre activité en France en 2014 et plus récemment à New York. 

Beaucoup d’entreprises rencontrent des problématiques liées aux paiements récurrents, tels que les abonnements ou les règlements de factures. Plus de 60 000 entreprises nous font déjà confiance en Europe. Nous avons, par exemple, des partenariats avec des salles de sports et des espaces de co-working afin de les aider à réduire leur temps d’administration. 

Notre cible est assez large : nous aidons des start-up – comme Doctolib ou PayFit – à poursuivre leur développement, ainsi que des grands groupes internationaux – comme Saint-Gobain, DocuSign ou SoWee (EDF) – à améliorer leur taux de conversion et des indicateurs financiers comme le taux de succès ou de recouvrement, par exemple. 

Notre solution était initialement adaptée aux plus petites entreprises. Mais, depuis trois-quatre ans, nous avons développé une forte appétence pour les grands groupes. Concrètement, les entreprises peuvent créer un compte sur notre plateforme en ligne et ainsi gérer leurs facturations à l’aide d’un tableau de bord en ligne, d’intégrations partenaires comme Salesforce ou Zuora, ou grâce à une API. 

De notre côté, nous nous occupons de la vérification des transactions et du respect lié aux réglementations en vigueur. Il est aussi possible d’obtenir des modules spécifiques et des API pour rendre notre solution encore plus compatible avec les besoins des organisations.

Comment vos solutions facilitent-elles la vie des directions financières des entreprises ?

Boris Piquet. La saisie de mandats et le suivi de factures n’ont jamais été des tâches faciles à réaliser. Et pour que nos clients puissent se faire payer en temps et en heure, nous pensons que l’automatisation est primordiale. Une étude menée par IDC l’année dernière confirme d’ailleurs l’intérêt de notre modèle : tout d’abord, nos clients connaissent un taux de succès situé autour des 99,5 %. Cela correspond à moins d’échecs de paiement des factures et donc moins de problèmes de trésorerie. Ensuite, le délai de paiement est aussi réduit de 47 % grâce à notre solution. Et enfin, le coût global lié au recouvrement des paiements est lui réduit de 56 %.

Par exemple, quand nous avons commencé à collaborer avec Payfit, nous nous sommes aperçus qu’ils passaient beaucoup de temps à rappeler leurs clients pour obtenir des règlements. Depuis qu’ils ont déployé notre solution, le délai de paiement est passé de 70 à 7 jours. Les entreprises ont donc tout à gagner d’investir dans des solutions qui automatisent ces tâches. Notre produit Success+ par exemple est un algorithme qui analyse les habitudes de paiement des clients pour mieux identifier les paiements échoués. Rien que cela permet en moyenne d’atteindre un taux de recouvrement autour de 76 %, alors que la moyenne sur le marché se situe en dessous des 40 %. 

Quel est l’avenir du paiement pour les entreprises selon vous ?

Boris Piquet. L’avenir du paiement fonctionnera à partir d’une combinaison de l’open banking et du prélèvement bancaire. Cela rendra les facturations plus simples entre différentes plateformes et services. Idem pour les frontières : nous continuons de faciliter le prélèvement dans plus d’une trentaine de pays.

Le fait est que les entreprises qui ne prennent pas le virage de l’open banking risquent de disparaître. Les défauts de paiement peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la trésorerie et l’avenir de leur activité. La crise a accentué ce problème et les entreprises les plus digitalisées sont celles qui s’en sont le mieux sorties. Les autres ont compris l’importance d’accélérer leur transformation pour devenir plus résilientes et rentables.

Qui sont les plus mâtures dans la transformation numérique de leur DAF ? 

Boris Piquet. Les start-up et les scale-up sont les plus mâtures sur ces enjeux. Toutes ont bien compris la valeur ajoutée au quotidien d’une telle solution et le fait de se spécialiser sur un domaine en particulier est une réelle force. Par exemple, Payfit a compris que sa valeur ajoutée se porte sur ses propres solutions et non au travail de gestion des factures et des abonnements et c’est pourquoi ils nous ont confié cette mission. Les entreprises orientées sur la technologie sont les plus avancées en matière de transformation numérique, justement car elles ont su s’entourer de spécialistes.

En revanche, dans les catégories des grands groupes et des TPE/PME, il y a un peu de retard. Ces organisations ont souvent peur du coût que peut générer le déploiement d’une solution comme la nôtre. Mais il faut bien rappeler que d’après une enquête de 2017 menée par Bpifrance/Le Lab une entreprise sur cinq est amenée à disparaître si celle-ci ne prend pas le virage numérique. 

Enfin, pour les grands groupes, le problème tient surtout à leur organisation par silos. Nous essayons dans ce cas de travailler de concert avec la DSI et les responsables financiers pour avoir une vision plus globale sur la transformation numérique de la facturation. Le fait est que les virements et chèques ne coûtent rien, mais le temps administratif passé pour gérer ces paiements et les relances auprès de client peut être très important. Cela peut donc valoir le coup de recourir à notre solution pour gagner du temps et en profiter pour améliorer d’autres indicateurs financiers.

Comment faire pour rendre cohérent et pertinent le déploiement de votre solution ? 

Boris Piquet. De manière générale, nos principaux interlocuteurs sont issus des départements “Finance” et nous travaillons avec eux pour rendre leurs systèmes de paiement et de recouvrement plus sûrs. Ensuite, nous échangeons aussi avec les DSI pour que notre solution s’intègre au mieux aux process internes et en fonction des besoins métiers. Enfin, nous sommes parfois amenés à collaborer avec les équipes produit et marketing pour répondre à des besoins d’expérience client. Pour que la satisfaction client soit au rendez-vous, il faut que l’équipe commerciale travaille main dans la main avec les développeurs en charge du déploiement technique de la solution.

Vous avez achevé un tour de table de 95 millions de dollars en décembre dernier… À quoi vont servir ces fonds ? 

Boris Piquet. Le but principal est d’accélérer notre stratégie open banking en combinant les technologies les plus récentes au réseau international de prélèvement bancaire. Nous souhaitons renforcer toutes nos équipes pour soutenir notre croissance et agrandir nos effectifs de deux tiers d’ici la fin de l’année. L’objectif est de prendre le virage de l’open banking dans le cadre du développement de nos produits. À ce sujet, nous avons lancé cette semaine l’offre “Instant Bank Payment” au Royaume Uni qui permet désormais à nos clients de déclencher un paiement par virement en instantané.

Enfin, sur les perspectives internationales, nous n’avons pas prévu d’ouvrir de nouveaux bureaux à court terme, mais il est surtout prévu de renforcer notre présence dans certains pays. C’est notamment le cas à New York, où nous avons officialisé l’ouverture d’un bureau en février dernier.