Cloud : le gouvernement réaffirme sa vision européenne du marché de la donnée

Dix-huit mois après l’incendie touchant son campus à Strasbourg, OVHcloud a profité de l’inauguration de son nouveau datacenter ce lundi pour réunir Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, Jean-Noël Barrot, ministre délégué au Numérique mais aussi le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton. Tous défendent une vision volontariste du cloud qui a vocation à s’imposer audelà des frontières européennes.

Conférence de presse tenue dans le nouveau datacenter inauguré par OVHcloud ce lundi.

Conférence de presse tenue dans le nouveau datacenter inauguré par OVHcloud ce lundi.

Le gouvernement a voulu faire de cet événement un symbole de la souveraineté numérique. Ce lundi, OVHcloud inaugurait l’ouverture d’un nouveau data center à Strasbourg ; soit plus d’un an après l’incendie qui a ravagé une partie de ses serveurs. « L’inauguration de SBG5 est un symbole fort de cette stratégie industrielle qui nous permet de porter plus haut et plus fort les couleurs d’un cloud européen ouvert, de confiance, durable, et ceci, auprès de nos clients du monde entier, déclare Michel Paulin, Directeur Général d’OVHcloud. Notre ancrage local et notre investissement constant dans les territoires nous permettent de renforcer notre position dans les bassins d’emplois pour y porter de nouvelles compétences. »

Pour le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot, fraîchement nommé ministre délégué au Numérique, c’est une occasion en or de franchir une étape de plus dans la poursuite d’un cloud réellement souverain. « Chacun doit bien comprendre que les données sont le nouvel or noir de l’économie, justifie Bruno Le Maire, avant de rappeler que la reconquête industrielle doit passer par une meilleure régulation des données. Mention est faite aux initiatives européennes telles que le Digital Markets Act, pour limiter la domination technologique – donc économique et industrielle – face aux hyperscalers. 

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Tous les écosystèmes français et européen du cloud sont appelés à se mobiliser dans la bataille des données. « Pour être souverain, il ne fallait pas accepter que des puissances puissent voler nos données, insiste Bruno Le Maire. Un monde sans régulation ne serait qu’un monde de conflits où les plus faibles sont impactés ». Afin de mieux protéger nos données sensibles et stratégiques, il invite les acteurs du cloud français à obtenir le visa SecNumCloud. Si l’adhésion n’est pas au rendez-vous, une norme obligatoire sur le sujet pourrait voir le jour.

la stratégie d’accélération cloud dans le cadre de france 2030

Annoncée le 17 mai 2021 par le gouvernement, la stratégie nationale pour le cloud est dotée d’1,8 milliard d’euros – dont 667 millions de financement public, 680 millions de financements privés et 444 millions de financements européens pour faire avancer leurs projets d’infrastructures et encourager l’innovation. Elle a notamment déjà permis de financer une vingtaine de projets cloud.

Au total, 7 offreurs de cloud européens sont désormais certifiés « SecNumCloud » dont Cloud Temple, OVHCloud, Oodrive, Outscale et Worldline. En complément, l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) va consacrer 2,5 millions d’euros à l’accompagnement des start-up et PME vers l’obtention du visa. La DiNum (Direction interministérielle du numérique) sera concentrée sur la migration des administrations vers le Cloud. 

Le directeur général d’OVHcloud Michel Paulin se voit confier la présidence du comité chargé de structurer la stratégie de la filière à l’échelle nationale et bâtir un numérique de confiance pour l’industrie du futur. Il est aussi demandé à la Commission européenne de valider au plus vite le Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC). Soutenu par l’Alliance Européenne pour les Données Industrielles –  qui réunit à ce jour plus de 180 entreprises issues de douze Etats membres de l’Union, ce programme ambitieux de 5 milliards d’euros contribuerait grandement au soutien industriel à l’innovation dans le cloud. 

Vers un encadrement des données industrielles

Face à un modèle américain jugé trop « libertaire » et une Chine menaçante qui assoit son contrôle total du numérique, tout l’enjeu est d’appliquer cette vision volontariste du cloud à l’industrie en Europe. Pour le commissaire européen Thierry Breton, elle repose sur trois piliers : « l’encadrement réglementaire, les infrastructures et la certification. »

« Nous menons un combat depuis plusieurs années pour organiser notre espace informationnel et unifier notre marché de données », poursuit-il en interpellant Octave Klaba, président-fondateur d’OVHcloud. Il s’agit maintenant de définir des règles de concurrence saine pour en finir avec « les abus de position dominante qui écrase l’innovation ».

Après les données personnelles, c’est au tour des données industrielles de faire l’objet d’encadrement et c’est toute la promesse du Data Act en cours de discussion au Conseil de l’Union européenne. Le Cyber Resilience Act sera aussi présenté très vite par la Commission européenne afin de contraindre les fabricants d’IoT au respect de règles de sécurité plus strictes si elles veulent continuer à vendre dans la zone euro. Il est censé couvrir les nouveaux risques induits par la généralisation du edge computing – qui permet aux industriels de traiter les données générées en local via IoT.

Rendre l’industrie plus innovante

« J’en ai ras le bol d’entendre “les américains innovent, les européens régulent” », martèle Bruno Le Maire tout en faisant référence à un « petit retard à l’allumage de l’Europe » qui ne devrait plus durer. Sur les semi-conducteurs par exemple, le projet d’usine de STMicroelectronics et GlobalFoundries près de Grenoble sert d’exemple. Au total, 5,7 milliards d’euros ont été investis pour bâtir cette chaîne de production de puces électroniques.

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Bruno Le Maire a également tenu à rappeler que sa promesse serait tenue concernant la baisse des impôts de production qui « pèse sur l’industrie ». La Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) devrait être inscrite au budget 2023 et devrait être supprimée progressivement d’ici 2024.

Un des autres défis majeurs de l’industrie du cloud concerne son impact : le secteur du numérique génère aujourd’hui plus de gaz à effet de serre que le transport aérien. L’innovation est considérée comme le meilleur moyen de répondre à l’urgence climatique, à l’image des technologies permettant un refroidissement liquide des datacenter plutôt que par ventilation. 

Loin de toute idée de décroissance, Bruno Le Maire invoque une vision de « croissance respectueuse du climat qui conjugue prospérité économique et respect de la Terre ». Et pour s’assurer que ce grand projet ne souffre pas de la pénurie actuelle de compétences, le ministre de l’Économie entend bien renouveler l’image de l’industrie et convaincre que les carrières dans ce secteur sont synonyme de réussite professionnelle.