La DSI du groupe SMCP renforce son rôle d’architecte, d’urbaniste des flux de données et d’orchestrateur

couverture - Une DSI « broker de services »? Recettes de scale-up à l’usage des entreprises>> Cet article est extrait de notre carnet d’expériences Une DSI « broker de services » ? Recettes de scale-ups à l’usage des entreprises

Marie-Caroline Bénézet est la directrice des opérations et de la transformation du groupe SMCP depuis mai 2021. Le groupe de mode français du « luxe accessible », qui regroupe les marques Sandro, Maje, Claudie Pierlot et Fursac, a plongé tôt dans l’e-commerce et veut renforcer aujourd’hui sa plateforme IT multi-marques, multi-pays, à l’état de l’art.

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Marie-Caroline Bénézet, directrice des opérations et de la transformation du groupe de « luxe accessible » SMCP

En tant que directrice des opérations et de la transformation, quels sont les grands challenges que vous avez à relever en matière d’IT ?

L’activité du groupe consiste à concevoir des collections, les fabriquer, gérer les stocks, distribuer les produits vers les boutiques, organiser les expéditions vers les clients online…  Il est donc très pertinent de relier l’évolution de la supply chain, en particulier la gestion de l’entrepôt principal européen, avec le schéma directeur IT et les projets de transformation.

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L’idée est notamment de mieux organiser les évolutions de processus dans les marques au niveau du retail, du e-commerce et de manière générale de l’expérience client omnicanale. Nous devons mieux profiter des outils déjà déployés pour gagner en productivité, tout en accompagnant le développement de nouveaux outils et processus, pour attaquer de nouveaux marchés. Une direction des opérations doit avoir cette vision complète, alors que chacune de nos marques a sa propre création, son propre réseau de magasins…

Si l’on veut diminuer le temps de production et de mise sur le marché ou bien avoir de meilleures capacités de réallocation des stocks entre les canaux ou entre les marchés, il est essentiel de mener des actions conjointes entre supply chain et IT. L’exemple des stocks est assez révélateur : ils peuvent être physiquement au même endroit, sans pour autant être assez « liquides » d’un point de vue IT, pour permettre les réallocations. Notre équipe est très resserrée et très opérationnelle ; cela peut être un peu limitant parfois, mais c’est aussi source d’agilité !

Qu’est-ce qui a le plus forcé votre groupe à s’adapter en termes IT ces dernières années ?

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Une DSI « broker de services »? Recettes de scale-up à l’usage des entreprises

Il y a eu un fort impact de notre stratégie omnicanale. Notre e-commerce existe depuis 2014 et représente un quart de notre chiffre d’affaires, ce qui est beaucoup sur notre segment de marché. La croissance du e-commerce nous a poussés à gagner en agilité, ce qui a été bienvenu face à la crise sanitaire. Par ailleurs, les enjeux de « ship from store », c’est-à-dire donner la capacité aux boutiques d’expédier des commandes qui ont été passées en ligne, demandent un haut niveau d’exigence IT pour bien gérer les stocks locaux. Nous avons des collections qui durent six mois, avec l’objectif de limiter les invendus en fin de saison.

En termes économiques, comme écologiques, nous voulons éviter les mouvements de stock inutiles. Nous mutualisons le stock des e-boutiques de nos marques, pour exposer en ligne le même stock à un maximum de pays, et ainsi maximiser les chances de trouver un preneur pour chaque produit. Pour garder le stock consolidé le plus longtemps possible, il a effectivement fallu faire évoluer nos outils et de manière générale notre système IT.

« Ce n’est pas seulement la DSI qui est concernée, c’est aussi la raison d’être d’une direction centralisée et transverse. » Cliquez pour tweeter

Concrètement, quelles ont été les conséquences du point de vue de la DSI ?

Nous avons naturellement accumulé une forme de dette technique depuis notre transformation de 2014, et nous avons maintenant pour objectif de revenir à un « core model » de plateforme qui soit multi-marques et multi-pays. Celui-ci doit permettre des gains économiques, notamment la baisse des coûts de maintenance, mais aussi la capacité à profiter des innovations plus rapidement. Notre plateforme doit aujourd’hui faire un bond en avant sur les clés que sont la mobilité, le temps réel, l’ouverture sur l’écosystème… C’est un enjeu technologique, mais aussi et surtout de gouvernance. Nous ne voulons pas dire aux marques du groupe : « Faites-nous confiance, la plateforme technologique, c’est notre sujet exclusif. » Nous voulons la réaliser avec eux et prioriser ensemble : transformation technologique, capacités fonctionnelles et résultats opérationnels…

Depuis cinq ans, nous avons beaucoup changé pour faire que ces trois sujets soient partagés par toutes les équipes. Ce n’est pas seulement la DSI qui est concernée et c’est aussi la raison d’être d’une direction centralisée et transverse.

Est-ce que vous considérez cela comme un mouvement vers une IT « broker de services » ?

Il y a de nombreux services très performants qui existent en SaaS pour notre modèle qu’est le retail omnicanal international. Le rôle de la DSI devient progressivement de bien connecter ces services pour qu’ils délivrent la valeur attendue ; et cela suppose de construire et faire évoluer les briques technologiques sous-jacentes qui y sont liées. La DSI se transforme pour apporter la garantie de la présentation d’une cartographie complète pour l’entreprise : état de l’art fonctionnel et technologique, identification des manques et évolutions souhaitées, gouvernance cohérente… Cela revient à dire que pour être broker de services, la DSI doit avant tout être architecte, urbaniste des flux de données entre les systèmes, et orchestrateur à l’échelle de tous les composants nécessaires aux processus de l’entreprise.

C’est pour vous l’aspect le plus important du rôle d’une DSI broker de services ?

Clairement, il y a une valeur très importante sur ces aspects les moins visibles de l’action de la DSI, notamment l’urbanisme. Aujourd’hui, nous jouons un rôle d’acheteur de solutions techniques, nous portons des contrats technico-administratifs, nous discutons de SLA… mais nous devons aussi vérifier la bonne circulation des données, dans un environnement en perpétuelle évolution, qui provoque sans cesse des frictions. Je vois notre rôle comme celui d’un architecte technique, qui propose, choisit et connecte des services… À noter que cela présuppose de très bien connaître les métiers, afin de traduire les demandes, mais également d’ouvrir le champ des possibles en termes d’innovation.

Quels sont vos principaux points d’attention pour l’avenir ?

a caractéristique principale des services à venir sera la résilience. C’est-à-dire la capacité de prioriser le rétablissement des bons services dans le bon ordre de priorité, en fonction de la situation. Les événements récents – à l’échelle de la planète – ont montré la nature hétérogène des risques auxquels nous devons nous préparer : qu’ils soient géopolitiques, réglementaires, criminels – avec les cyberattaques –, ou technologiques – avec l’obsolescence logicielle – …L’enjeu, c’est d’organiser nos services pour qu’ils facilitent en eux-mêmes le retour à un état fonctionnel. Ils doivent permettre de collecter des informations pour expliquer des dysfonctionnements et corriger les pannes. Par le passé, les systèmes d’information étaient moins exposés, moins ouverts, peut-être plus stables… Aujourd’hui, notre système d’information doit se penser en système hybride ouvert à des tiers, avec des utilisateurs beaucoup plus nombreux et variés. Les services que nous utilisons ou offrons doivent porter la résilience comme une qualité intrinsèque, dès leur conception.