[Tribune] La fonction finance au cœur de la transformation publique

La transformation de la fonction finance fait partie des « buzzwords » de la presse financière, RH ou IT…. La perspective est plus souvent celle de l’entreprise privée, moins celle du secteur public. À tort pourtant, selon Christian Blain, responsable de la BU Cegid XRP Ultimate chez Syxperiane. La crise sanitaire a fait bouger les lignes dans cet univers aussi : et si un grand nombre d’organisations a pu faire face à cette situation, c’est bien parce qu’elles avaient déjà enclenché leur dématérialisation ! Parti des services financiers, le mouvement irrigue progressivement, et sans bruit souvent, l’ensemble des directions. Éléments d’explications.

Christian Blain, responsable de la BU Cegid XRP Ultimate chez Syxperiane

Christian Blain, responsable de la BU Cegid XRP Ultimate chez Syxperiane

Les clichés ont la vie dure. Certains s’effritent, fort heureusement. Notamment celui d’un secteur public difficile à réformer, résistant aux innovations et aux transformations. Comme les autres, ce secteur évolue, accélère même.

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Une étude réalisée par EY fin 2020 le montre : 82 % des répondants, rattachés à la direction financière d’un organisme public, estiment que la dématérialisation a été un outil clé de la transformation de la fonction finance ces dernières années. Cette même étude souligne aussi la capacité de ces métiers à contribuer à grande échelle aux projets de transformation des structures publiques plus largement : un quart des répondants attendent justement d’un projet de digitalisation une amélioration de la qualité de service aux directions opérationnelles.

Des contraintes réglementaires fortes, un impératif d’agilité

En matière de transformation digitale publique, de fortes disparités subsistent. Notre expérience montre des écarts parfois importants selon les types d’organismes concernés. Surtout, elle fait apparaître une réalité : celle d’un secteur sur lequel pèsent des contraintes réglementaires très fortes et une obligation de transparence sur l’utilisation des deniers publics. Ce garde-fou est précieux, mais il engendre de la complexité et des procédures de contrôle interne très lourdes. Tenue au respect des réglementations, les directions financières des établissements publics sont conscientes depuis de nombreuses années de la nécessité de conjuguer conformité réglementaire et agilité pour garantir la réalisation de l’objet même de la structure dont ils dépendent.

En ce sens, le programme Action publique 2022 et surtout la mise en œuvre du Décret Gestion Budgétaire et Comptable Publique en 2016 ont donné une impulsion très forte à la digitalisation des processus financiers. Le système d’information doit permettre de suivre de manière permanente et complémentaire la construction et l’exécution d’un budget, de faire dialoguer étroitement ordonnateurs et comptables publiques, sous peine sinon de bloquer tout projet. Depuis, toutes les informations financières des différents établissements publics remontent automatiquement dans l’infocentre financier de l’État. Et cette dynamique va même s’intensifier en 2023, échéance fixée par l’État pour réaliser des remontées en temps réel des informations financières. Cela suppose un renforcement accru des contrôles internes, mais aussi plus de dématérialisation, plus de contributions de la part des métiers, plus de souplesse dans les outils utilisés.

DAF : un métier en mutation

La digitalisation des processus financiers impulse aussi une véritable évolution du métier de DAF. Il n’est plus seulement en charge de l’exécution et du contrôle du budget, il analyse et met en perspective les données financières, propose des axes d’amélioration, joue un rôle de conseil.  En ce sens, il devient un véritable partenaire des directions métiers et de leurs projets. Pour cela, son rôle consiste à mettre en place le SI le plus approprié, celui qui sera suffisamment agile et adaptable aux différentes directions, que les métiers utiliseront parce qu’il fluidifiera l’accès à l’information à tous les niveaux. La fonction finance n’est pas la seule à devoir se digitaliser. L’ensemble des services est concerné par l’implémentation d’un outil qui permet de mettre en perspective les investissements demandés avec les possibilités de gains ou de bénéfices et construire efficacement un budget.

En conséquence, les établissements publics ont bien compris la nécessité de questionner régulièrement leurs outils de gestion. Ont-ils fait les « bons » choix pour impulser la collaboration nécessaire entre directions ? La question mérite d’être posée d’autant que le marché des éditeurs de logiciel de gestion se partage entre deux familles.

Issue des problématiques de finances publiques, la première est spécialisée dans le secteur public et tend à se diversifier en direction d’autres problématiques métiers. La seconde est issue à l’origine du secteur privé et adresse toutes les problématiques de l’organisation, l’interopérabilité en ligne de mire. C’est celle à laquelle appartient l’entreprise où je travaille.  Une direction financière publique en quête d’un nouvel outil devra bien sûr faire son choix au regard des fonctionnalités proposées, mais aussi adhérer à une « culture » : plus ou moins intégrée, plus ou moins modulaire, plus ou moins transversale et ouverte, selon ses impératifs.

Accompagner pour transformer 

La réussite d’un projet de digitalisation d’une fonction finances au sein d’un établissement public repose aussi, et surtout dirais-je, dans les modalités de son déploiement. Un changement d’outil de gestion implique de nouveaux process et une autre façon de collaborer avec les services. C’est en tout cas une opportunité à saisir ! Pour relever ce défi, les établissements ont besoin d’un accompagnement. L’étude EY le confirme : 24 % des acteurs des directions financières estiment que le manque de compétences internes ou d’effectifs est l’un des principaux freins à la conduite des projets de transformation numérique. On imagine sans mal la perception des autres directions !

La démarche implique de mettre en place des bonnes pratiques communes au sein de l’établissement qui ne concernent pas seulement la collecte et la saisie des informations financières, mais les mécanismes communs de contrôle et de validité des informations, sans quoi le système restera inopérant.

Les établissements publics sont demandeurs de méthodologie et d’accompagnement en amont mais aussi une fois l’outil déployé. C’est la condition sine qua non d’une réelle appropriation, de la part des comptables, mais aussi des RH, des métiers, des achats….  Preuve en est, s’il en était besoin, de la capacité d’impulsion de la fonction finance et de leur contribution durable à l’évolution de la structure publique.

Les 3 principaux enjeux de la fonction finance publique demain  

N° 1 : la digitalisation des tâches financières (dématérialisation, automatisation, interfaces avec les SI métiers) accompagnant la transformation des processus et organisations (19 %)

N° 2 : la conformité, la maîtrise des risques et l’efficience en vue d’une certification des comptes (18 %)

N° 3 : le rapprochement entre l’ordonnateur et le comptable (15 %)

N° 3 ex-aequo : l’efficience de la fonction finance et la maîtrise des coûts (15 %)