IN Groupe : le défi de l’identité numérique à l’ère des écosystèmes

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L’ex-groupe Imprimerie Nationale s’est métamorphosé durant la dernière décennie pour devenir un spécialiste de la « souveraineté numérique », dépassant de loin son rôle initial d’opérateur industriel de l’Etat. Il prépare dorénavant les dix prochaines années pour prendre en compte la croissance des stratégies d’entreprises plateformes, ouvertes sur leurs écosystèmes.

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Romain Galesne-Fontaine, directeur des relations institutionnelles d’IN Groupe.

Romain Galesne-Fontaine, directeur des relations institutionnelles d’IN Groupe.

« La transformation de notre groupe a été celle d’une évolution très importante de nos compétences, notamment pour gérer la continuité nécessaire entre l’identité physique et l’identité numérique, introduit Romain Galesne-Fontaine, directeur des relations institutionnelles d’IN Groupe. Cela passe par un élargissement du périmètre de notre écosystème, qui a fortement évolué vers la confiance numérique et la cybersécurité ». Rencontrés dans une brasserie du XVIe arrondissement de Paris à l’automne, les représentants d’IN Groupe ont accepté de parler de leur propre transformation, plutôt que des solutions qu’ils commercialisent. Il n’est pas encore question non plus de l’acquisition (réalisée en décembre 2019) de Surys, un spécialiste de la lutte anti-contrefaçon.

De l’Afrique jusqu’au Pérou

Avec une histoire vieille de près de cinq cents ans, l’Imprimerie nationale de l’Etat français a en effet dû se réinventer au XXIe siècle. Devenue entreprise commerciale dans les années 90, sous le seul actionnariat de l’Etat, elle a depuis transformé ses activités pour se spécialiser dans les solutions d’identités sécurisées, qui vont de la production de passeports jusqu’à la biométrie en passant par les puces électronique ou l’identité numérique. En 2018, l’entreprise marque encore un peu plus le changement en se renommant « IN Groupe » et surtout en accentuant sa présence à l’international. Près d’un tiers de son chiffre d’affaires est aujourd’hui réalisé à l’export. « Le modèle des imprimeries nationales est foncièrement européen, mais peu d’entre elles développent à ce jour une activité internationale. Les Etats étrangers viennent nous voir non seulement pour accéder à des technologies de pointes mais aussi pour bénéficier d’un solide transfert de compétences. Et il ne s’agit pas seulement de la traditionnelle sphère d’influence diplomatique française en Afrique : nous avons gagné des contrats avec des Etats comme le Pérou ou la Bolivie » détaille Romain Galesne-Fontaine.

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Narcisse Duarte, qui a récemment pris la direction des solutions digitales au sein du groupe

Narcisse Duarte, directeur des solutions digitales, d’IN Groupe.

Que viennent chercher ces Etats auprès d’un groupe français, alors que le sujet est celui de l’identité et par extension de la souveraineté numérique ? « IN Groupe s’inscrit dans une vision de la protection des données et de l’identité qui est celle du bloc européen, bien différente de la vision américaine ou chinoise. C’est un différenciateur majeur sur la scène internationale, qui dépasse le seul sujet des ruptures technologiques comme la blockchain ou l’informatique quantique… C’est une rupture au niveau conceptuel, qui lie identité numérique avec acceptabilité, contrôle, confiance… » explique Narcisse Duarte, qui a récemment pris la direction des solutions digitales au sein du groupe.

En la matière, le RGPD a contribué à clarifier les règles : « Celles d’un Etat de droit. Cela a permis de faire émerger aussi des convictions, comme le fait que l’identité numérique soit indépendante de la biométrie, et autoportée, agnostique des terminaux et de la consommation des données… ». Autrement dit, plus que des technologies, c’est une vision du monde numérique – et du monde de demain- qui est portée à l’international.

La plateformisation, révolution de l’identité numérique

Reste cependant à relever l’autre défi de la décennie, celui de l’ouverture massive des organisations sur leurs écosystèmes, pour de nouveaux types de relations avec leurs clients, fournisseurs, partenaires… et les individus qui les composent. Ce mouvement des « entreprises plateformes », IN Groupe le connait déjà pour lui-même. « Quand nous étions Imprimerie Nationale, notre écosystème

était très délimité, fermé, autour des institutions étatiques et de quelques opérateurs. Aujourd’hui, tout est possible, nous multiplions les échanges de toutes sortes. C’est bien l’ouverture et les écosystèmes qui font la révolution de l’identité numérique. Nous avons aujourd’hui vocation à animer un écosystème multisource, au-delà de la seule souveraineté numérique publique » reconnait Romain Galesne-Fontaine, qui évoque l’expérience précédente du groupe dans la création de clubs utilisateurs pour la puissance publique. « Nous travaillons nous-mêmes différemment avec nos clients, en les associant à nos revues de sprint depuis que nous sommes entré en mode agile. Ils connaissent mieux les utilisateurs qui vont utiliser les solutions… Cela a demandé une forte acculturation à la fois pour nos équipes et pour les clients ! C’est une émulation croisée facilitée par le numérique » ajoute Narcisse Duarte.

Olivier Galdin.

Olivier Galdin. DSI, IN Groupe.

Cette transformation a également touché de plein fouet la direction des systèmes d’information du groupe, avec notamment l’arrivée d’un nouveau DSI en 2019, Olivier Galdin. « Nous étions avancé sur la partie technique des microservices, qui est en quelque sorte la première étape pour accélérer en mode plateforme. Mais il a fallu changer nos modes de travail, entrer en DevSecOps, et développer une vraie maturité sur la montée en industrialisation – par exemple avec la certification ISO 27001 pour l’analyse des risques » explique-t-il. En termes de culture, le DSI est d’ailleurs formel : il est maintenant nécessaire que chacun, du marketing jusqu’aux équipes techniques, soit équipé pour « penser plateformisation, penser ouverture, penser API… systématiquement ».

Face aux GAFAM

Ces transformations internes étaient nécessaires pour répondre à de nouveaux types de projets « plateformes », demandé par les organisations, et en premier lieu l’Etat. « Pour certains projets, nous avons seulement à fournir une brique technique notamment d’Identity Access Management, au travers d’API. Mais pour l’Etat, cela peut aller jusqu’à la création d’une plateforme dans son ensemble et son hébergement sur un datacenter sécurisé » note Romain Galesne-Fontaine qui estime que sur ce sujet également, des convictions fortes vont être déterminantes pour la suite.

« Il y a un enjeu critique de centralisation de l’information, alors que les GAFAM notamment poussent pour faire un lien entre identité numérique et authentification à des services à leur niveau… sans être à même de garantir l’identité en premier chef. Le travail sur la dérivation de l’identité citoyenne, du physique vers le numérique, avec un « ID Wallet », en renfort de ce qui se fait déjà avec France Connect, est fondamental pour proposer une alternative » décrit le directeur des relations institutionnelles d’IN Groupe.

Il va d’ailleurs plus loin : « On doit parvenir à mettre fin à « l’orgie de données liée à l’identité » qui caractérise de plus en plus nos usages numériques. Il faut simplifier et retrancher plutôt que de continuer à rajouter… Pourtant, il est difficile d’imaginer pouvoir imposer une identité numérique unique pour l’usager. C’est donc un écosystème d’identités numériques que l’on doit faire émerger, auquel le citoyen devra pouvoir accéder en toute liberté, sans se retrouver enfermé. C’est un défi énorme à relever, mais c’est bien cela le sens de la plateformisation pour notre métier ».

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