Investissement tech : la cyber française continue à se distinguer 

Alors que les investissements auprès des start-up de la tech au niveau mondial ont massivement chuté, la cybersécurité française tire une nouvelle fois son épingle du jeu. Mais une baisse des fonds destinés à la R&D est redoutée, ce qui pourrait réduire l’attractivité des entreprises innovantes. 

En 2023, le financement des start-up a connu un coup d’arrêt dans une large zone comprenant l’Europe, Israël, et les États-Unis, qui abritent autant de champions de la cybersécurité mondiale. Selon le baromètre de Tikehau Capital, les levées de fonds sont passées de 14,9 milliards d’euros en 2022 à 9,4 milliards l’an passé. « Après deux années consécutives avec des financements anormalement hauts, on revient dans une tendance long terme », indique François Lavaste, Directeur général au sein de la société d’investissement. 

Cette baisse ne touche pas le nombre de projets financés qui est en légère hausse sur l’année (7 %), mais bien la somme des montants levés. Mais dans cette conjoncture délicate, un pays a vécu une année plus heureuse. « La France tire son épingle du jeu sur le plan de la cybersécurité », se réjouit François Lavaste. En effet, dans l’Hexagone, le financement des start-up de la cyber est passé de 339 millions à près de 455 millions d’euros (+34 %). Une réussite qui avait déjà été constatée il y a un an, alors que le marché commençait à se tendre. « Nous démontrons une résilience qui est conjoncturelle, avec un marché très porteur », précise le Directeur général de Tikehau Capital. Selon lui, les derniers mois extraordinaires des grandes sociétés françaises cotées en bourse ont tiré vers le haut le marché de la cybersécurité. 

Un impact sur la R&D 

Cette baisse des investissements dans les start-up impacte par ricochet les moyens que peuvent allouer ces jeunes entreprises dans la R&D qui conditionne leur survie. « La majorité de la R&D est faite en interne », indique Gérome Billois, partenaire Cybersecurity et Digital Trust chez Wavestone. 

« Elle ne repose que trop peu sur des acteurs de la recherche ou des grands groupes ». Il estime que ce contexte ralentit le pouvoir d’attractivité de ces jeunes pousses. « Il faut de l’innovation, de nouvelles technologies », assure-t-il. Cette capacité à créer va permettre aux entreprises un développement d’ampleur mondiale. « Ce n’est pas en réinventant quelque chose qu’on va développer un marché ». 

Il pointe notamment l’opportunité que représente l’intégration de l’intelligence artificielle afin de créer de nouvelles solutions de cybersécurité. « Ceux qui tireront leur épingle du jeu sont ceux qui amèneront quelque chose de nouveau avec l’IA. On va avoir une catégorie de produits avec des IA pour contrôler, détecter, répondre et même reconnaître d’autres IA », juge le Partner chez Wavestone. Ce type de solutions est attendu par un grand nombre d’entreprises pour lesquelles la sécurisation des IA dans l’analyse de grandes quantités de données est clé.

Une montée en maturité, mais des tensions à venir 

Chez les grands groupes, la tendance n’est pas la même. « Les investissements sont stables voire en progression », observe Farah Rigal, Directrice adjointe Global Cyber Security Services chez Eviden. Ces entreprises recrutent massivement. Une stratégie qui n’est pas sans conséquences pour les start-up. « Ils attirent les talents avec des salaires qui suivent, ce qui complique la donne pour les start-up qui ont du mal à recruter et notamment en R&D », indique Gerome Billois. Ces investissements forts ont été observés dans un besoin de sécurisation des cas d’usage de l’IA dans les entreprises, fin 2023, dans lesquelles il existe une forte demande de régulation. Devrait suivre ensuite l’intégration de l’IA de manière efficace au bénéfice de la cybersécurité de ces grandes multinationales. 

La résilience du marché français en matière de cybersécurité se voit cependant clairement à travers le prisme de la nouvelle promotion du Prix de la Start-up Forum InCyber. La présidente du jury observe un gain en maturité des acteurs. « On ne parle plus de cloud mais on s’intéresse aux problématiques de gouvernance des données », prend ainsi pour exemple Farah Rigal, directrice adjointe Global Cyber Security Services chez Eviden. Un constat partagé par les spécialistes réunis à l’occasion du prix, sur d’autres sujets structurants. « On ne parle plus de l’IA comme un besoin mais elle prend sa place dans l’automatisation ou le partage de connaissance ».  

Pour autant, il existe une arrivée en force sur le volet de sécurisation de l’IA et en particulier des IAG. « C’est un sujet qui pose de réels défis aux entreprises pour lesquelles il n’existe encore que peu de solutions dans l’utilisation de ces outils au quotidien », indique Gerome Billois, lui aussi membre du jury.  Cependant, la progression de la qualité des projets examinés pour l’édition 2024 du Prix ne peut pas faire oublier la complexité du marché et les tensions à venir. « On observe moins de vocations entrepreneuriale », s’inquiète ainsi Aurélie Clerc, directrice générale de l’accélérateur Cyber Booster. Une préoccupation qui appelle à une adaptation de l’écosystème, si celui-ci entend continuer à se démarquer dans les années à venir. 

Les lauréats du Prix de la start-up Forum InCyber 2024 :

  

Snowpack : Prix de la start-up Forum InCyber 2024 

  • Snowpack développe une technologie de VIPN (Virtual & Invisible Private Network) qui protège les utilisateurs, données, composants du SI et services web exposés sur Internet, en les rendant invisibles aux hackers. 

  

iDAKTO : Prix de la recherche Forum InCyber 2024 

  • iDAKTO permet d’établir des relations de confiance entre des utilisateurs et des fournisseurs de services publics ou privés en garantissant des transactions simples, sécurisées, et respectueuses des données personnelles, du début à la fin de la démarche en ligne. 

  

Reversense : Prix de l’impact opérationnel Forum InCyber 2024 

  • Reversense développe un produit qui permet d’automatiser la rétro-ingénierie des applications mobiles et embarquées, sans accès au code source. 

  

DuoKey : Prix de la croissance Forum InCyber 2024 

  • Duokey apporte des solutions technologiques de chiffrement qui garantissent que les fournisseurs cloud ne soient pas capables d’interpréter les clés de chiffrement. 

  

Saporo : Prix coup de cœur du jury Forum InCyber 2024 

  • Saporo permet aux organisations d’accroître leur cyber-résistance en hiérarchisant et en réduisant les risques liés à l’accès des utilisateurs. 

  

Les candidats aux prix de la start-up InCyber en quelques chiffres : 

  • 78 candidatures, dont 54 nouvelles, basées dans l’UE, en Suisse, Norvège ou Royaume-Uni 
  • 83 % ont investi plus de 20 % du CA en R&D 
  • 25 % ont déjà contractualisé avec le CAC40 
  • 59 Françaises et 19 étrangères, dont 8 Suisses et 4 Néerlandaises.