Livre – Les etats-Unis, vers le redressement productif

Franck Barnu, journaliste

Franck Barnu © Olivier Roux

A la fin des années 1980, l’efficacité de l’outil de production japonais terrorisait l’Amérique. Pour répondre à la crise de productivité, le Massachusetts Institute of Technology (MIT) avait alors lancé une grande étude aboutissant à un livre, Made in America. Fast forward en 2010. Cette fois, ce n’est plus le Japon qui inquiète, mais la Chine. Le MIT récidive. Il lance la commission Production in the Innovation Economy (PIE), qui effectuera une étude de trois ans. Résultat : le livre Making in America : From Innovation to Market, signé de Suzanne Berger et de la Task Force du PIE. Que dit-il ? D’abord, il affirme que la production manufacturière est indispensable à l’économie américaine. Ce qui ne va pas nécessairement de soi là-bas, où le sujet est fort débattu. Il explique que le savoir-faire en production est indissociable de l’innovation et qu’à perdre le premier, en faisant fabriquer à l’étranger, on court le risque de perdre la seconde.

Deuxième idée forte, qui trouvera un écho favorable en France : c’est la pression financière, la volonté de maximiser la shareholder value qui a conduit les grands groupes à, progressivement, abandonner l’intégration verticale, puis à confier la production aux pays à bas coûts de main-d’œuvre. Résultat : « Cette perte de savoir-faire prive l’écosystème industriel de l’accumulation de nouvelles connaissances diminuant d’autant la capacité à produire des innovations dans le futur », avertissent les auteurs.

La sous-traitance en Chine

Le livre jette ensuite une lumière intéressante sur les start-up. Excepté pour celles du logiciel, ces entreprises n’ont généralement pas les moyens de développer un outil capable de produire leur innovation à grande échelle. Contraintes de sous-traiter, elles le font à l’étranger et, en particulier, en Chine. C.Q.F.D. Enfin, l’ouvrage s’intéresse aux entreprises mainstream, les myriades de PMI low tech. Il souligne leur importance et rappelle que chez elles, l’innovation s’identifie le plus souvent à l’innovation en termes de procédés de production. Surtout, il révèle leur difficulté à croître. Ces entreprises, laissées à elles-mêmes, ne bénéficient plus des atouts liés à un dense réseau industriel, ni des retombées des activités de production des grands groupes. Elles ne disposent pas non plus de ce qui fait la force des entreprises allemandes : un solide réseau de centres techniques, parmi lesquels les fameux instituts Fraunhofer, aptes à les ressourcer technologiquement. 

La solution pour bâtir une nouvelle industrie aux Etats-Unis passe par la reconstruction de l’écosystème de production. Ils préconisent le développement de centres de recherche capables de mutualiser des travaux sur les outils avancés, au profit de toutes les entreprises, à l’instar des National Manufacturing Innovation Institute lancés par l’administration Obama. En route donc vers  le redressement productif ! 

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Making in America : From Innovation to Market de Suzanne Berger, with the MIT Task Force on Production in the Innovation Economy (PIE), 265 p., 19 €

Cet article est extrait du n°12 d’Alliancy, le mag – Découvrir l’intégralité du magazine