Le marketing, va-tout des DSI dans leur reconquête des utilisateurs et des métiers

[SERIE What’s Next CIO IT-Métier] Si la dynamique marketing n’est pas l’apanage de toutes les directions informatiques, un grand nombre d’entre elles y ont recours. Elles espèrent ainsi se réinventer et réussir à tenir la dragée haute à des offres en ligne aussi séduisantes qu’agressives. 

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Soumises à des contraintes de time to market toujours plus importantes, les directions métiers n’ont de cesse de remettre en question leur informatique interne. Elles reprochent à cette dernière son manque de réactivité ou de réalisme, avant de céder elles-mêmes aux chants des sirènes du cloud computing. Pour regagner leurs lettres de noblesse, et reconquérir métiers et utilisateurs, de nombreuses directions informatiques ont décidé de faire appel à la science consumériste. Elles espèrent ainsi rivaliser avec des GAFAM dont l’approche marketing n’est pas en reste. Alors, on pourrait s’imaginer qu’une telle démarche se traduirait à l’identique pour chacune d’entre elles et qu’à tous types de produits ou services correspondrait une méthode unique à appliquer. Il en est, en réalité, tout autrement. Et c’est probablement ce qui a fait que le sujet est resté dans l’ombre, voire au point mort, pendant de nombreuses années.

À l’échelle d’une DSI, adopter une démarche marketing commence, avant toute chose, par une phase d’introspection. Cette dernière est destinée non seulement à appréhender les contours de la mission de la DSI d’un point de vue technologique, mais aussi à en élaborer la stratégie produit. Car, in fine, c’est bien de cela qu’il s’agit. Quelle est la position de la DSI dans son écosystème ? Comment fabrique-t-elle ses services ? Doit-elle animer un réseau d’acteurs externes ou, au contraire, internaliser au maximum ? Autant de questions auxquelles il faut répondre, dans un contexte où souveraineté et récupération de la maîtrise du patrimoine informationnel des organisations sont deux sujets extrêmement sensibles. Tout cela, bien entendu, sans oublier de tenir les cordons d’une bourse plus resserrée que jamais.

Une DSI, deux approches, trois cibles

Dans les faits, pour Jean-Luc Dagron, expert en positionnement, transformation et stratégie de communication des DSI chez Talisker, « il y a deux marketing dans la DSI : celui vis-à-vis des métiers, plutôt B2B donc ; et un autre vis-à-vis des utilisateurs, avec une approche plus B2C ». Il y a parfois une troisième cible, à savoir le personnel IT lui-même. L’objectif étant, cette fois, de développer la « marque employeur » pour maintenir les effectifs.

C’est le cas de Nexity, dont l’approche marketing se décline en deux axes : « Le premier est de motiver les équipes informatiques, d’instiller un sentiment de fierté parmi elles pour générer ’engagement. Le deuxième est de faire reconnaître les réalisations de la DSI pour sécuriser son financement, voire le développer. Nous démontrons à  la direction générale, mais aussi aux métiers, la valeur ajoutée de ce que nous délivrons », témoigne Yann Ludmann, DSI de Nexity. « Nous ne devons jamais perdre de vue que nous sommes une fonction support qui ne génère pas de chiffre d’affaires. »

En fin de semestre et en fin d’année, les équipes IT de Nexity éditent en ce sens le « Livre des réalisations » , sorte de recueil des projets livrés. Sous forme de fiches, elles font apparaître les différentes parties prenantes et fournissent quelques KPI pour matérialiser la valeur et l’étendue de ce qui a été mis en place. « Chaque fiche est rédigée par les collaborateurs chargés du projet et inclut un verbatim utilisateur. Une petite équipe se charge de la mise en forme. L’objectif, c’est aussi de mettre en valeur le fait que les projets ne sont pas uniquement ceux de la DSI, mais aussi ceux des métiers », ajoute Yann Ludmann, qui fait ici d’une pierre deux coups.

La symétrie des attentions pour gérer la satisfaction client

Chez la MAIF, c’est pour mieux comprendre le besoin des utilisateurs que le marketing est invoqué. « Dans un objectif d’identification des irritants au plus tôt, nous réalisons un travail en profondeur sur la satisfaction des utilisateurs du SI. À l’image de ce que nous faisons en tant qu’assureur, nous veillons à la symétrie des attentions. En ce sens, la singularité de la MAIF, qui repose sur l’écoute portée par nos gestionnaires à nos sociétaires, doit se retrouver dans la relation que nous avons avec nos utilisateurs », explique Marie-France Thickett, responsable de la relation clients et communication de la DSI chez MAIF. La DSI de l’assureur a donc mis en place un dispositif d’enquête de satisfaction. Il lui permet de glaner auprès des collaborateurs le maximum de signaux faibles et de se donner ainsi les moyens de traiter les éventuels irritants.

C’est également le cas chez Bouygues Construction. « Nous interrogeons les utilisateurs sur l’ensemble des dimensions de leur expérience digitale, et pas uniquement sur le support », confirme Aurélie Marais Machurat, responsable de la transformation et de la performance digitale chez Bouygues Construction. Les équipes digitales du constructeur travaillent également à rationaliser l’offre de services digitaux. Elles segmentent leur offre proposée progressivement sur étagère au sein d’un catalogue de services. « Nos décideurs métiers peuvent retrouver l’ensemble de notre offre sur une plateforme présentée d’une manière très “marketée”, un minimum technique, mais avec le maximum d’informations sur ce que chaque solution ou service peut leur apporter. Qu’il s’agisse de liens ou de contacts pour les aider dans leur prise de décision ou dans leur utilisation pleine de nos services. » L’utilisateur, devenu client, est désormais roi au sein des organisations et charge aux directions informatiques de trouver la bonne formule pour relever le défi.