[Tribune] Metaverse : quelle sera la place du designer UX / UI ?

La crise sanitaire mondiale a complètement métamorphosé notre rapport à l’espace virtuel. Théo Hamon, Consultant UX / UI chez SQLI, estime que notre besoin de nouveauté et de liberté à l’issue des confinements, a transformé notre perception des espaces digitaux : d’un outil de pure consultation et de divertissement, ils sont devenus des moyens de communication et d’évasion à part entière.

Théo Hamon, Consultant UX / UI chez SQLI

Théo Hamon, Consultant UX / UI chez SQLI

Ce n’est pas par hasard si le jeu le plus populaire de 2020 fut Animal Crossing, un jeu vidéo qui nous embarque sur une île déserte où nous pêchons, cultivons et construisons notre propre maison. Les géants de la tech avaient déjà pressenti ce besoin d’évasion. La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer la sortie d’une technologie qui s’apprête à révolutionner la consommation des espaces digitaux.

Le metaverse et le nouvel Internet

En 2014, Facebook rachetait Oculus, une entreprise commercialisant des casques de réalité virtuelle. Sept ans plus tard, Mark Zuckerberg annonce que les équipes de Facebook, devenu Meta, travaillent sur une nouvelle ambition : le metaverse.

Cette plateforme inédite vise à transformer l’Internet global des entreprises d’un site en 2D vers un espace virtuel en 3D. La transition d’une consultation d’écran vers un lieu de navigation immersif révolutionne complètement les usages, comme la conception de biens virtuels, leur vente et leur consommation, notamment grâce aux NFT. Le metaverse apporte ainsi aux marques la possibilité d’offrir de nouvelles expériences d’achats à leurs clients.

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Prenons un exemple. La marque Nike possède aujourd’hui de multiples espaces clients digitaux : un site public pour vendre ses produits, ou encore une page dédiée sur les réseaux sociaux pour communiquer sur ses produits et évènements (Instagram, TikTok, Facebook, Snapchat…). Or, la technologie offerte par la réalité virtuelle et le metaverse pourra, en théorie, regrouper tous ces écrans en un seul et même espace navigable, un magasin 3D dédié à fidéliser l’utilisateur grâce à une expérience libérée des contraintes physiques, géographiques ou d’accessibilité. Pour les marques, c’est une opportunité commerciale qui n’a pas de prix, ou presque. Le coût du développement de cet espace n’est certes pas négligeable, mais le jeu en vaut la chandelle. Imaginez un peu : un feu d’artifice tiré tous les jours devant un magasin virtuellement infini et ouvert 24/7. Le metaverse rend finalement possible l’impensable dans la réalité !

Et la place du designer d’interface dans tout ça ?

Le rôle du designer UX / UI  est de conceptualiser et matérialiser des interfaces selon les contraintes métiers et structurelles des utilisateurs, en dessinant notamment des parcours pour des écrans d’ordinateurs ou de smartphones. Toute la méthodologie et la maîtrise des outils de prototypage servent un produit final matérialisé sous une forme digitale 2D. L’avènement du metaverse risque cependant de bousculer ses pratiques. 

Le metaverse étant un espace 3D, le conceptualiser requiert des codes architecturaux, de design d’espace, de design retail, ainsi que la maîtrise d’outils de création 3D. Pour le dire autrement, l’UX designer devra se doter des compétences d’un level designer, un métier propre au monde du jeu vidéo. Le level designer imagine et conçoit les différents niveaux d’un jeu vidéo lors de son développement. Il doit connaître et anticiper les comportements des utilisateurs pour proposer une expérience de jeu agréable et adaptée.

Pour devenir plus performant, le futur UX designer devra donc élargir son champ d’action pour se soucier par exemple de la lumière, de l’ambiance sonore, des lignes de fuite et de la navigation de ses utilisateurs au sein d’un espace tangible, dans le but de leur garantir la meilleure expérience.

Recommandation pour le futur

Depuis que l’iPhone a débarqué, les designers d’interfaces ont souvent eu recours à une technique appelée le skeuomorphisme : il s’agit de reproduire de manière ornementale un objet ou une partie d’un objet quotidien pour décrire une fonction dans une interface.

Sur notre smartphone, nos emails sont, à titre d’exemple, représentés par une enveloppe, Instagram par un Polaroïd, les réglages du téléphone par les roues crantées d’une vieille horloge et la batterie par une pile cylindrique. Ce sont des objets que nous utilisons très peu, mais que nous reconnaissons instantanément par leurs fonctions. Mais est-ce le cas de tout le monde ? Sur Microsoft Office, savez-vous quelle icône représente la fonction de sauvegarde des fichiers ? Une disquette. Or, la disquette est un objet qu’une personne née après les années 2000 n’a jamais connu ! Il ne s’agit là que d’un exemple, mais il démontre bien les limites de cette technique.

Au sein du metaverse, les designers n’useront plus de skeuomorphisme mais de la technique de metamorphosis ou autrement dit, la reproduction du réel pour décrire une fonction ou une action. Pour une marque comme Nike, une icône ne suffira plus pour signifier un lieu d’achat de chaussures : il s’agira plutôt de reproduire l’espace et l’expérience du magasin des Champs-Élysées.

Le metaverse est certes une révolution pour les utilisateurs, mais il réinvente et enrichit aussi considérablement le métier des designers.