Numérique responsable : les entreprises musclent leurs exigences dans leur écosystème

De Planet Tech’Care en France aux coalitions internationales de type Joint Audit Cooperation, les acteurs du numérique s’organisent au sein de leurs écosystèmes pour échanger méthodologies et informations autour des données environnementales. Changer la relation avec ses partenaires est une clé pour prendre ses responsabilités en termes d’impact. Du chemin reste cependant à parcourir pour parvenir à une uniformisation des standards et méthodes.

Le numérique représente 2,5 % de l’empreinte carbone de la France en 2020 et 11 % de la consommation électrique nationale. Les études prospectives se succèdent et concluent à une hausse tendancielle de plus en plus forte de l’empreinte carbone sur la décennie 2020 – 2030 : + 45 % selon la dernière étude effectuée par l’Ademe et l’Arcep.

Par ailleurs, les impacts du système numérique mondial croissent selon une dynamique particulièrement rapide et incompatible avec sa décarbonation, avec une croissance de ses émissions carbonées évaluée à + 6 %/an en moyenne au niveau mondial par le Shift Project en 2021, et à environ + 2 à 4 %/an en France par des études menées par le Haut Conseil pour le Climat, le Sénat et l’ADEME-Arcep.

Dans ce contexte, les entreprises du numérique se mobilisent et s’organisent en écosystèmes. C’est le cas notamment au sein de Numeum, le syndicat professionnel de l’écosystème numérique en France né de la fusion de Syntec Numérique et de TECH IN France. « Le numérique responsable, que ce soit en matière d’inclusion, de confiance et d’environnement, est l’un des piliers stratégiques de notre engagement. C’est un virage que nous avons pris depuis plusieurs années et, pour ma mandature, cela restera prioritaire », déclare sa nouvelle présidente, Véronique Torner.

Planet Tech’Care : fédérer l’écosystème pour générer le maximum d’impact

Pilotée par Numeum, et animée avec ses 23 partenaires, l’initiative Planet Tech’Care (auprès de laquelle Alliancy est engagée en tant qu’ambassadeur) vise à fédérer l’écosystème pour générer le maximum d’impact autour de la réduction de l’empreinte environnementale du numérique. Elle a été lancée en octobre 2020 aux côtés du Ministère de la transition écologique et du secrétariat d’État au numérique. Elle se définit comme une plateforme de mise en relation des entreprises, des acteurs publics et des acteurs de la formation qui souhaitent se mobiliser pour réduire l’empreinte environnementale du numérique avec un réseau de partenaires, experts du numérique et de l’environnement.

« Concrètement, nous accompagnons gratuitement les écosystèmes en leur délivrant de bonnes pratiques en matière de numérique et d’environnement. Depuis notre lancement, nous avons organisé des ateliers durant lesquels un partenaire différent chaque mois a partagé son expertise, proposé des clés d’action et répondu aux questions des participants. Nous sommes dans une démarche de co-construction qui nécessite la création de bases de données open source en commun. C’est un travail important à faire, car la mesure de l’empreinte environnementale est complexe et les données sur le sujet ne sont pas vraiment abouties », complète Véronique Torner.

La question de la mesure, jusque dans le scope 3

L’importance de la mesure de l’empreinte environnementale que souligne Véronique Torner est un constat que partage également Orange Business, intégrateur réseau et numérique du groupe Orange. « En quelques années seulement, nous sommes passés d’une logique où notre attente était que nos partenaires aient un discours et des actions sur l’impact environnemental, à une attente sur la mesure, les engagements concrets et la traçabilité de leur impact », déclare Miguel Alvarez, Chief Partner Officer chez Orange Business.

Orange Business compte 100 à 200 partenaires, dont une cinquantaine rentre dans la catégorie des « partenaires stratégiques », ces entreprises qui créent de la valeur pour les clients d’Orange Business et qui sont engagées sur des projets à ses côtés.

« Nous évaluons l’impact que la relation avec nos partenaires a sur notre business au global, ainsi qu’un certain nombre d’éléments d’alignement stratégique. Parmi ces éléments, il y a des questions sur l’impact environnemental, c’est-à-dire les actions qu’ils entreprennent pour le développement durable, et leur engagement sur des solutions de confiance. Ce sont deux critères qui rentrent en ligne de compte dans l’évaluation annuelle de nos partenaires », précise Miguel Alvarez.

Le groupe Orange conduit actuellement un projet pour structurer et définir des standards, mais aussi un système de mesure sur l’impact environnemental de ses activités, y compris celles qui viennent de ses partenaires (scope 3) pour pouvoir le reporter à ses clients. « Aujourd’hui, c’est un critère d’évaluation. Un partenaire qui conduirait son business d’une manière complètement opposée à la nôtre aurait très peu de chances d’être un partenaire stratégique pour nous. J’anticipe que, dans les 12 ou 18 mois qui viennent, cela va devenir un critère d’exclusion », note Miguel Alvarez.

Des appels d’offres et des coalitions

Les choses se précisent donc et l’étau environnemental se resserre sur les partenaires. Le mouvement est identique vis-à-vis de l’ensemble des fournisseurs et cela se voit dans les appels d’offres émis par Orange Business. « Cette année, nous systématisons le fait que 20 % de la note de nos appels d’offres soient consacrés aux sujets RSE. Nous le faisons chez Orange Business, mais aussi au niveau des achats du groupe Orange et de la joint-venture entre Orange et Deutsche Telekom (BuyIn) », déclare Jérôme Goulard, Responsable RSE chez Orange Business.

La démarche s’étend même au-delà de la sphère interne au groupe Orange. « Au niveau de la Joint Audit Cooperation, ensemble d’une vingtaine d’opérateurs dans le monde qui définissent leurs attentes RSE vis-à-vis de leurs fournisseurs, nous mettons en commun les audits réalisés sur site chez eux. C’est un modèle de coalition qui nous rend beaucoup plus forts et qui est de plus en plus présent. Il nous permet de mettre en commun pour aller plus vite et uniformiser les méthodologies », ajoute Jérôme Goulard.

L’uniformisation les méthodologies est un des principaux chantiers sur lesquels travaillent actuellement les acteurs du numérique. « Entre les méthodes ACV (Analyse du cycle de vie), le GHG Protocol, les PCR (Product category rules) de l’Ademe et les normes ISO 14 000, nous essayons de proposer des standards et des modèles communs. Une partie de ce que nous demandent nos clients vient en effet de nos fournisseurs. Or, aujourd’hui, il n’existe pas de standards stabilisés. Les calculateurs de tel ou tel acteur donnent des informations sur son périmètre et sa méthode, mais il faut creuser à chaque fois pour savoir si toute la chaîne de valeur est prise en compte et quelles sont les données injectées », conclut Jérôme Goulard.

La route semble encore longue pour que les standards et les méthodes s’harmonisent et que l’ensemble de l’écosystème numérique ait enfin une vue claire et synthétique de son impact environnemental.