Comment percevoir le désengagement des collaborateurs ?

[L’analyse] Si fidéliser coûte moins cher que de recruter, éviter le désengagement devient un enjeu crucial de rétention des talents, notamment dans le numérique. Mais encore faut-il réussir à le détecter !

Le rapport Gallup est clair : en 2023, seulement 7% des travailleurs se considèrent comme engagés au sein de leur entreprise, et 18% se déclarent désengagés. Mais que deviennent les 50% restants ? Sont-ils condamnés à être livrés à un quiet quitting, au « bore out » ou au fameux « burn out » ? S’il convient de ne pas exagérer ces expressions, Il appartient à l’entreprise, et notamment aux managers et aux RH, de qualifier l’engagement et le désengagement de cette majorité silencieuse. Le désengagement au travail affecte la productivité et l’atmosphère de travail au sein des organisations de bien des façons : perte d’intérêt et de motivation, baisse de la qualité du travail, erreurs plus fréquentes… Les employés désengagés sont moins investis dans les projets d’équipe et manifestent un manque de coopération, perturbant alors la dynamique de travail jusqu’à en influencer en leurs collègues.

« Il y a bien évidemment une liste infinie de signaux du désengagement. Ces signaux peuvent être subtils ou évidents mais ont surtout un impact fort qui peut aller jusqu’à détruire des équipes et une culture d’entreprise » précise Virginie Gonand, consultante RH et dirigeante de Talentside. « Il est important d’être attentif et de repérer ces signaux le plus tôt possible afin de prendre des mesures pour les corriger »

Identifier les signaux de désengagement

La détection précoce du désengagement est essentielle. Certains signes sont visibles, et aisés à repérer comme la baisse de productivité, un manque d’initiative et d’enthousiasme, des retards répétés ou un retrait des activités collectives. Mais, comme le rappelle Vincent Richard, Responsable RH de la société NES (groupe EALIS),  des changements dans l’attitude des employés doivent alerter, comme le cynisme, la négativité, le manque d’initiative ou des plaintes fréquentes sur les conditions de travail.

Il est donc important de construire une communication régulière avec les collaborateurs, grâce à des systèmes de feedbacks réguliers et des enquêtes d’engagement pour prendre le pouls de l’entreprise, et réagir à temps. Organiser des d’entretiens individuels réguliers pour discuter avec chaque collaborateur de son travail, de ses objectifs comme de ses préoccupations, peut faciliter le repérage des premiers signes de désengagement. La mise en place de sondages anonymes sur le climat et le bien-être au travail est également une solution.

« Chez DataDome, chaque salarié remplit des feedbacks hebdomadaires visibles pour le Manager et les RH, et que nous récupérons grâce à une notation facile et rapide dans notre SIRH. Ces notes entre 1 et 5 montrent le niveau d’engagement et des potentiels signaux faibles quasiment en temps réel  » témoigne Laurette Kristina Charlier, VP People au sein de DataDome. « Nous menons également des enquêtes pour connaître la satisfaction des salariés sur le lieu de travail, les conditions de travail et des idées dʼaméliorations potentielles. Nous encourageons également tous les managers, en tant que meilleure pratique, à rencontrer leurs collaborateurs directs en tête-à-tête chaque semaine. »

Les entreprises peuvent aussi fixer des OKR (Objectifs et Résultats Clés), tant individuels que collectifs, pour mesurer l’avancée des missions. En effet, la progression de chaque collaborateur est un indicateur pouvant alerter le manager.

« La baisse de la vigilance, l’augmentation d’erreurs inhabituelles ou anormales et le fait que ces contre-performances n’impactent pas l’ego du salarié sont des signes flagrants de désengagement » complète Maxime Cornuau, Responsable e-commerce chez Stores-et-Rideaux.com. « Il faut être sans cesse attentif aux détails et vérifier si le bruit se transforme en signal. La répétition des erreurs est un des signes que j’ai pu remarquer. L’accumulation des retours négatifs des autres collaborateurs en est un autre. »

Agir dès la détection du désengagement

Une fois le désengagement identifié, des actions doivent être mises en place pour en comprendre les causes et endiguer le phénomène. Ces actions peuvent inclure des discussions ouvertes avec les employés concernés, des ajustements des charges de travail, ou encore des initiatives de team building. La mise en place de dispositif de reconnaissance et d’opportunités de développement professionnel sont également une solution. Impliquer les employés dans les décisions qui affectent leur travail peut également aider à regagner leur engagement et à renforcer leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. Cependant, la question première reste de savoir si le sentiment est partagé par le reste des équipes, ou reste purement individuel :

« Il sera important de communiquer ouvertement avec le ou les collaborateurs, en organisant par exemple un entretien individuel avec le collaborateur pour discuter de nos observations et exprimer nos préoccupations » affirme Virginie Gonand. « A ce moment-là, il faudra être attentif au point de vue du collaborateur et s’assurer qu’il se sente écouté et soutenu. Mais, le plus important sera d’en identifier les causes. »

Désengagement ne rime pas avec départ du salarié

Si le désengagement d’un collaborateur ne signifie pas obligatoirement son départ, il en augmente le risque : l’état de désengagement doit raisonner comme signal d’alerte d’insatisfaction du travail ou de son environnement professionnel. Un plan d’action peut alors être mis en place, afin de favoriser le « ré-engagement », et doit être accepté par toutes les parties concernées en termes d’objectifs, de ressources, de formation ou développement.

« Le désengagement n’est pas forcément synonyme du départ du salarié : cela peut être une situation passagère, car elle peut être accentuée par des facteurs extérieurs qui évoluent » complète Maxime Cornuau, Responsable e-commerce chez Stores-et-Rideaux.com. « Je n’ai jamais retenu un collaborateur qui ne souhaite pas s’impliquer, car cela finit par rejaillir sur le collectif et créer des tensions. »

Si tous les collaborateurs désengagés ne quittent pas nécessairement l’entreprise, comme le souligne Virginie Gonand, certains peuvent rester à contre-cœur et rester des raisons comme des obligations financières, des opportunités de carrière limitées ailleurs, ou même un attachement à l’entreprise malgré leur désengagement. Cette situation peut être difficile à gérer pour les RH et les managers, qui devront s’assurer que le collaborateur désengagé ne transmette pas son désengagement aux autres collaborateurs.

« Il faut soutenir le salarié en désengagement en proposant des solutions adéquates et en mettant en place un plan d’action conjoint qui peut consister, par exemple, à fixer des objectifs clairs et mesurables. L’atteinte de ces objectifs pourra donner lieu au versement d’une prime » affirme Vincent Richard. « Si malgré cela, rien ne fonctionne, il faudra peut-être des mesures disciplinaires appropriées si le collaborateur continue à être désengagé et que cela affecte sérieusement son travail ou celui de l’équipe. »

En tirer des leçons pour limiter les désengagements futurs

Prévenir le désengagement est un défi itératif : c’est en relevant les insatisfactions, en mettant en place une démarche de détection du désengagement que les managers et RH pourront adapter le lieu de travail, la culture d’entreprise, la communication interne, et les opportunités de développement professionnel proposées aux employés.

« Favoriser une culture forte, mettre en place un career path, du learning & development, avec des objectifs et feedbacks : ces trois points sont pour moi essentiels pour lutter contre le désengagement des salariés » affirme Laurette Kristina Charlier.

Le fait d’encourager un équilibre vie pro-vie perso sain, avec des politiques de flexibilité du travail, tel que des horaires de travail flexibles, du télétravail, des congés payés supplémentaires peut aider à réduire le stress, à améliorer la satisfaction au travail et à maintenir un haut niveau d’engagement des salariés. Cette demande est en forte augmentation de la part des collaborateurs, comme celle de se sentir écouté et valorisé.

« Prendre le temps de dire bonjour avec un sourire sincère ou exprimer un simple merci pour le travail accompli peut avoir un impact énorme sur la motivation et le moral des collaborateurs » conclut Virginie Gonand, consultante RH et dirigeante de Talentside. « Un de mes anciens directeurs, Pierre Francis (Vitalliance) arrivait le matin et faisait le tour de tous les bureaux avec un grand bonjour et un énorme sourire ! Cela donnait une énergie incroyable à l’ensemble des collaborateurs présents et une envie de déplacer des montagnes pour l’entreprise. »