La Région Ile-de-France réorganise ses forces dans le numérique

Ancien Conseiller numérique, innovation, design et recherche de la présidente de la Région capitale, Bernard Giry pilote la nouvelle feuille de route 2025 de la Transformation numérique régionale. Explications. 

Bernard Giry est DGA du pôle transformation numérique du Conseil régional d’Ile-de-France

Bernard Giry est DGA du pôle transformation numérique du Conseil régional d’Ile-de-France

Bernard Giry a été nommé, il y a un an, directeur général adjoint en charge de la Transformation numérique à la Région Ile-de-France. Avec pour mission de réorganiser les services et installer ce nouveau pôle numérique, soit plus d’une centaine d’agents issus de cinq directions différentes de la Région (DSI, direction du numérique dont le numérique des lycées, données géographiques, décisionnel et open data) et, aujourd’hui, tous basés au siège du Conseil Régional.

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« La création de ce nouveau pôle marque à la fois une vision stratégique intégrée pour accélérer dans tous les domaines, tout en simplifiant la vie des Franciliens et de nos agents par la transformation numérique. A nous de (re)définir ce qu’est un service public, ce qu’est un usager et comment répondre au mieux à ses besoins, en donnant les bons outils aux agents… », décrit-il.

Aujourd’hui, le Pôle « Transformation numérique » comprend trois directions :

  1. La DSI découpée en trois services : Réseaux et Infrastructures ; Bureautique et Grands SI de gestion (SIRH et finances pour la collectivité…) ;
  2. Une direction de la Donnée (décisionnel, open data, information géographique, RGPD, gouvernance de la donnée)
  3. et une direction du Numérique et de l’Innovation qui comprend le numérique des lycées.

« Avec cette nouvelle feuille de route 2025, ce qui compte désormais, c’est la vision clairement orientée usager ou client (citoyens, chômeurs, lycéens, parents d’élèves, professeurs, entrepreneurs…) qui porte notre répartition des missions, précise-t-il, entre direction du numérique et DSI, avec une vision plus élargie pour tout le territoire. Nous avons par exemple créé une petite équipe autour de l’écosystème régional, en appui en ingénierie pour les collectivités ou des acteurs publics qui souhaitent se transformer et répondre aux différents appels à projets (territoires connectés, agriculture durable et connectée, France Relance…). »

Bernard Giry, DGA en charge de la Transformation numérique à la Région Ile-de-France : « Il s’agit de revenir au sens premier de la mission d’une collectivité : un service au public » Cliquez pour tweeter

La feuille de route du Pôle « Transformation numérique » de la Région Ile-de-France est structurée autour de cinq grands axes stratégiques pour les trois à venir, des points d’ancrage élaborés par le Codir du pôle en concertation avec toutes les parties prenantes :

1. « Nos usagers sont informés en temps réel sur le traitement de leurs besoins »  : Déploiement d’une Vision Chronopost ; Amélioration de la satisfaction des usagers ; Simplification des démarches ; Fluidification de l’instruction des demandes des usagers. La Région est, par exemple, une grosse structure à subventions, souvent perçue comme complexe. Elle souhaite donc fournir à l’usager une information pour suivre ses demandes en direct, un peu comme on peut suivre aujourd’hui la livraison d’un colis. « L’usager peut ainsi suivre notre process en temps réel, à partir d’informations basées sur des SI qui n’étaient pas à l’origine faits pour cela. Mais c’est une vision fédératrice pour les trois grandes directions dont j’ai parlées précédemment. On revisite les process, on développe la logique d’urbanisation des SI et d’API… Tout le monde se fédère autour de l’objectif de délivrer un service de qualité sur lequel on s’est engagé », explique Bernard Giry.

Chiffres clés de la rentrée 2022-2023 en Ile-de-France

  • 474 lycées publics
  • 530 000 élèves
  • 44 000 professeurs
  • 984 millions d’euros de budget
  • 30 000salles de classe (tableaux interactifs, vidéoprojecteurs…)
  • 9 000 agents régionaux dans les établissements
  • 14 rénovations-extensions d’envergure
  • 100 % des élèves des lycées publics équipés d’un ordinateur portable. Tous les lycées franciliens sont raccordés au THD et connectés au wifi.


2. La Région contribue à réinventer l’expérience numérique proposée aux lycées, aux lycéens et aux parents :
Amélioration de l’inclusion numérique des lycéens et de leur famille ; Facilitation du pilotage opérationnel des lycées ; Automatisation des tâches chronophages ou avec irritants pour le personnel des lycées. « A tous, nous voulons offrir une meilleure expérience usagers, ce qui pose la question des infrastructures IT à améliorer, notamment sur les interventions à distance avec un seul centre de services numériques, de la sécurisation des réseaux pour accéder à tous les lycées, et puis toute la logique de l’industrialisation des serveurs pour connecter et homogénéiser l’intégralité des établissements d’ici à fin 2024… »

De l’ordinateur individuel pour les élèves, les 30 000 salles de classe passeront du vidéoprojecteur au tableau interactif, avec enregistrement possible des cours. « Pour terminer l’équipement de tous les sites (deux-tiers de salles équipées à ce jour), il faudra encore compter trois ans environ. Tout cela renforcera ensuite les usages de l’ENT monlycée.net (Environnement Numérique de Travail), un outil qui accompagne la classe en continu et qu’il faut donc concevoir comme une véritable plateforme de services éducatifs (livres scolaires, ressources numériques…) et administratifs pour tous. C’est le sens du marché en cours. Dans tous les lycées, chacun a besoin d’une vraie boîte mail, d’une vraie vidéo-conférence, de divers outils bureautiques… Ce qui n’était pas vraiment le cas à l’origine. C’est aussi une façon de former les élèves à la vie professionnelle ou à la vie d’étudiant en supérieur », explique-t-il.

La Région souhaite notamment uniformiser le « contenant » : « La bonne formule serait d’avoir une seule interface pour tous les établissements, à laquelle les éditeurs pourraient avoir accès. Pronote pourrait également être une des briques intégrées dans la solution finale avec une licence globale pour tous les lycées de la région. Par exemple, la donnée des agendas dans les établissements nous intéresse, pour une meilleure gestion du nettoyage des salles de classe… A terme, l’idée est de pouvoir visualiser tout ce qui se passe au niveau d’un lycée. »

3. « Nos usagers bénéficient d’outils permettant de visualiser la pertinence de l’action régionale » : Amélioration du pilotage de nos activités ; Accroissement de la transparence et de l’impact de nos résultats, Animation d’une gouvernance de la donnée.

Comme dans toute organisation, la gestion des données (souvent menacées) et leur sauvegarde sont cruciales. « Nous souhaitons créer un SOC à l’échelle régionale une fois que nous disposerons de l’architecture IT adéquate. Une notion qui s’impose car un trop grand nombre d’outils ne sont pas centralisés, explique-t-il. Suivra ensuite le deuxième axe de la feuille de route stratégique sur la façon dont les données sont pilotées. Aujourd’hui, cela manque encore d’harmonisation, mais tout le monde veut y aller et partager ses données. »

4. La Région anime un écosystème de partenaires dans le développement d’un territoire numérique souverain prolongeant les compétences de la Région : Proposition de nouveaux services aux Franciliens en direct ou par l’intermédiation des collectivités, associations ou entreprises ; Développement de l’attractivité du territoire ; Renforcement de la proximité avec les différents acteurs du territoire.

5. La Région dispose d’assets technologiques et d’un modèle organisationnel performants et agiles qui accélèrent la transformation numérique : Amélioration des outils de la Région afin de faciliter le travail des agents ; Soutien d’une organisation et des processus permettant d’atteindre une excellence opérationnelle ; Facilitation de la gestion de la connaissance et des compétences.

Aujourd’hui, si tous les agents techniques disposent d’une tablette (congés, maladie…), « demain, cet outil doit devenir un support de travail, d’où l’évolution en 2023 de nos SI finances et RH. Notre vision temps réel doit aussi s’adapter aux agents loin du siège », poursuit-il.

Le dernier grand axe de travail concerne également la modernisation des SI pour renforcer l’excellence opérationnelle, notamment en matière d’hébergement. « Au sein du GIPC, nous restons sur une base on-premise, mais le service peut être managé et nous avons aussi des outils en Saas. » Ainsi, la salle des serveurs est partagée avec le département du Val-d’Oise, Val-d’Oise Numérique pour le compte des communes du Val-d’Oise, l’ARS Île-de-France, le GIP Maximilien (portail de l’administration numérique en Île-de-France) et l’Université Numérique. Depuis, ces acteurs ont été rejoints par l’Inserm, cinq universités, ainsi que diverses communes franciliennes, des bailleurs sociaux, etc. La Région fait également appel à du cloud public pour d’autres besoins (comme OVHCloud pour les lycées).

« A noter que la modernisation de nos infrastructures a un impact direct sur notre consommation d’énergie, qui a pu aller de 65 à 95 % de réduction… C’est énorme ! », précise Bernard Giry, qui rappelle à quel point il faut se mobiliser pour un numérique durable et l’importance d’en tenir compte dans la gestion des équipements individuels et collectifs. Pour les salles de classe notamment, ses services travaillent avec Blade (groupe OVHCloud) pour augmenter la puissance des équipements individuels… et avoir à éviter à les changer. « On teste des solutions avec eux. C’est une autre façon de valoriser les solutions françaises… Nous acceptons l’idée que 100 % français ou européen est parfois compliqué, mais il faut tester et voir les briques manquantes pour se fixer un objectif de solutions souveraines ensemble ».

Pour conclure, par rapport à la guerre des talents qui fait rage dans le secteur, Bernard Giry insiste : « Nous demandons que les dérogations mises en place par l’Etat pour le recrutement dans la filière numérique s’applique aussi aux collectivités locales, il est sans doute nécessaire que le Ministre réaffirme cette possibilité. » C’est en effet dans l’intérêt de tous que les collectivités se transforment.