La voiture connectée, un canal de vente en devenir

Payer son énergie, fossile ou électrique, son parking et péage d’autoroute, telles sont quelques-unes des possibilités offertes par les voitures connectées. Si les revenus tirés de ces usages et d’un développement raisonnable des services d’info-divertissement (films et jeux) sont probables, l’Europe et les Etats-Unis ne sont pas comparables en termes d’usage. La culture du « drive-in » n’est pas aussi développée sur le vieux continent et son réseaux de routes ne ressemble pas aux grands rubans asphaltés taillés pour les voitures connectées et autonomes (niveau 3).

Selon Worldline, prestataire de solutions de paiement pour les commerçants, le marché mondial du commerce à bord de véhicules automobiles est promis à un bel avenir. On estime ainsi que 600 millions de voitures connectées généreront 537 milliards de dollars de transactions embarquées d’ici 2030, tandis que la valeur des paiements réalisés dans des automobiles (« in-car payments » en anglais) devrait dépasser 2,6 milliards de dollars d’ici 2026, contre moins de 100 millions de dollars en 2020. « Nos voitures sont de plus en plus des smartphones sur 4 roues, équipées qui d’Apple CarPlay, qui d’Android Auto. Elles se sont très « softwarisées » et bénéficient des progrès réalisés dans l’Internet des objets (IoT), et du mobile, des univers que nous maîtrisons contrairement à de nombreux équipementiers automobiles traditionnels. », souligne Patrick Jeanbart, directeur de la division voitures connectées chez Orange Business (groupe Orange).

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Pour un constructeur comme Stellantis, le software représente un élément clé qui constitue la force motrice de ses plateformes technologiques (STLA Brain, STLA SmartCockpit et STLA AutoDrive) alimentées par l’IA. En 2022, Stellantis avait choisi Amazon Web Services (AWS) comme fournisseur privilégié de cloud pour ses plateformes de véhicules. Stellantis a de grandes ambitions dans le domaine de « l’in-car payment ». Avec ses nouvelles générations de plateformes technologiques, l’industriel veut transformer les interactions des clients avec leur véhicule, et générer environ 20 milliards d’euros de revenus annuels supplémentaires d’ici 2030.

Contrôler la relation client

Mais les Renault et autres Stellantis doivent composer avec une donnée qui leur complique singulièrement la tâche en matière de relation client. « Près de 70% des nouvelles immatriculations en France et en Europe sont liées aux activités BtoB des sociétés de leasing longue ou courte durée comme Arval et ALD. Donc la relation client échappe aux fabricants automobiles qui tiennent à designer un parcours client spécifique propriétaire. L’énergie, achat encore plus récurrent que du parking ou du péage, constitue un axe de personnalisation de l’expérience client, sur lequel les loueurs aiment garder la main afin de proposer plusieurs cartes carburant à leurs clients.

Donc cela crée un point de friction entre fabricants automobiles et sociétés de leasing. De plus, la conception d’un parcours client spécifique n’est pas cohérente avec des standards de communication adoptés par des Apple ou des Google. », pointe Patrick Jeanbart. Les constructeurs automobiles doivent s’ouvrir et ne plus restés arcboutés sur leurs habitudes de proposer une relation client maîtrisée de bout en chaîne.

L’environnement réglementaire contraignant en Europe

Autre frein de taille plus importante encore celui-là : l’environnement réglementaire de l’Union européenne qui, en matière de télécommunications, est contraignant pour l’économie du service embarquée : chacun des 27 États membres disposant de sa propre législation, ce qui ne facilite pas les choses. « En Chine, les services connectés sont inclus dans le prix des voitures pendant une durée de 5 ans. Aux Etats-Unis, rien de tel. La loi oblige ainsi les fabricants de voitures connectées à laisser la liberté aux conducteurs de rapprocher son plan de téléphonie mobile de sa voiture, qu’il soit chez A&T ou Verizon.

Ils peuvent ainsi accéder au WiFi de la voiture et consommer en même temps la data incluse dans le forfait mobile. », explique P. Jeanbart. Cette contrainte du régulateur semble même plus importante que la technique pure et dure pour l’expert qui rappelle qu’Orange Business a développé avec Worldline une solution de paiement in-car basée sur du RCS (Rich Communication Service) qui permet de vendre facilement du service connecté à bord des voitures.

Si les Américains vivent et consomment beaucoup à bord de leurs voitures on ne peut pas en dire autant des citoyens européens. « Je ne crois pas à une transplantation du modèle américain en Europe sur ce plan-là. Nous n’avons pas la culture du « drive-in » à l’américaine et nos autoroutes et routes sont rarement comparables aux longs tronçons de routes rectilignes que l’on trouve outre-Atlantique. Je ne pense pas que nous verrons de sitôt des conducteurs assis derrière leurs volants de voitures autonomes niveau 3 en train de regarder Netflix ou de faire une commande sur notre smartphone. », affirme l’expert en voitures connectées. En revanche, la consommation d’info-divertissement (jeux, films) à bord, et particulièrement ceux destinés aux enfants voyageant à l’arrière du véhicule, ou des contenus audios (podcasts, etc.) pourrait se développer.

Exigence de sécurité renforcée

Une chose est sûre, la protection de la vie privée sera un point sensible à bien encadrer et prendre en compte dans les développements introduits par les constructeurs automobiles et leurs partenaires. « Une voiture connectée peut être géolocalisée. On peut voir le parcours d’un véhicule, les listes des numéros appelés, les achats réalisés. Le contrôle de l’identité de la personne au volant et ayant accès à la fonction de paiement devra être impérativement sécurisé. » prévient P. Jeanbart.

Le respect de la data privacy sera primordial, d’autant plus que l’usage de la technologie biométrique est appelée à jouer un rôle de plus en plus important, en utilisant, par exemple, les empreintes digitales ou la reconnaissance faciale. Un usage strictement encadré par le RGPD et à propos duquel la CNIL recommande que « les données brutes utilisées pour la constitution du gabarit biométrique et pour l’authentification de l’utilisateur soient traitées en temps réel sans être conservées en local comme les enregistrements audio dans le cas d’un système de reconnaissance vocale. »