Comment les DSI s’engagent pour améliorer l’expérience employé ?

Quelle vision ont les directeurs des systèmes d’information du sujet de l’expérience employé et de l’engagement des collaborateurs dans l’entreprise ? Et comment peuvent-ils y contribuer ? Pour répondre à ces questions, Alliancy, en partenariat avec Workday, a réuni au printemps une sélection de DSI lors d’un atelier à la Rédaction. Dans le cadre de notre enquête annuelle sur le croisement des enjeux RH et IT, nous proposons une première synthèse des enseignements issus de cet échange.

Photo_1_atelier workdayDans presque tous les secteurs, les entreprises sont confrontées à des difficultés de recrutement. Celles-ci sont particulièrement visibles dans le cadre de la « guerre des talents IT » qui caractérisent la recherche des bonnes compétences pour continuer les transformations numériques en cours. Les directions des systèmes d’information ont donc une conscience aigüe des problématiques d’attractivité et de fidélisation vis-à-vis de ces « talents ». Mais au-delà de leurs propres besoins, ces DSI ont également un rôle clé à jouer pour améliorer l’expérience employé dans sa globalité au sein de leur organisation, alors qu’il s’agit de l’un des facteurs centraux pour cultiver cet engagement.

« La pénurie des talents n’est pas nouvelle. La crise du Covid l’a accentuée, mais elle est structurelle. La DSI doit être acteur de l’expérience de ses employés dont la qualité conditionne la fidélisation et l’engagement. Le combat autour des talents commence déjà par la capacité de rétention qui est très liée au niveau d’engagement et d’investissement du collaborateur. C’est une corrélation très positive entre l’engagement et la rétention. » confirme ainsi Nouamane Cherkaoui, Chief Transformation Officer au sein de BPCE Solutions informatiques (Groupe BPCE)

En la matière, les DSI qu’Alliancy a réuni lors d’un atelier réalisé en partenariat avec Workday, insistent effectivement sur le fait que de nombreux projets ont pu déjà être menés ces dernières années. Ils pointent aussi cependant quelques chantiers majeurs qui les attendent. Tour d’horizon.

Expérience employé : des changements structurants avec des DSI à la manœuvre

C’est en premier lieu avec le déploiement d’outils collaboratif (Office365, Google Suite, etc.) à l’échelle que les DSI ont à l’origine le plus marqué leurs organisations. Objectif : amener une certaine « standardisation » et en profiter pour « refondre les processus de collaboration », pour reprendre certains des mots clés utilisés pendant l’atelier. Mais les DSI ont également conscience que leur rôle ne s’arrête pas à cette partie évidente et visible de l’expérience.

« La DSI a son rôle à jouer sur l’expérience employé, notamment en mettant en place de nombreux outils pour améliorer l’expérience utilisateur sur les solutions numériques, mais aussi en assurant le suivi de celle-ci. A travers l’ITSM, il est possible d’avoir des processus d’amélioration continue, par exemple en rappelant systématiquement les utilisateurs qui ont eu des expériences « moyennes », en surveillant les incidents, les problèmes sur les postes de travail… Ce sont les fondations pour une bonne expérience dans l’entreprise » 

Jean-Christophe Longuet – Head Of IT Front Office and Collaborative Tools de Poclain Hydraulics

En particulier, ils insistent sur la cohérence à apporter dans de tels projets, chaque transformation devant en appeler une autre, dans l’optique d’apporter une « expérience frictionless ». « Depuis 2017, les changements ont été très importants. Le programme transformant l’expérience employé s’est basé notamment sur trois piliers : le move-to-cloud, avec une optique SaaS-First, le projet SATAWAD, en déployant plus de 30 000 Google Chromebooks, et le « data for business », en s’appuyant sur le PaaS » témoigne ainsi Pascal Dalla Torre, le Deputy Group Chief Information Officer de Veolia.

Un autre chantier majeur sur lequel de nombreux DSI se sont penchés ces dernières années a été celui de la mesure de l’engagement des collaborateurs. Une thématique complexe, mais qui a minima oblige les entreprises à réinventer « l’écoute active » de tous ses employés.

« Depuis deux ans, il y a eu une vraie accélération sur le sujet de l’engagement collaborateur et de l’expérience employé. Nous avons mis en place un nouveau processus d’onboarding virtuel, car notre organisation est très décentralisée. Nous nous sommes dotés d’autre part d’un outil permettant d’évaluer l’engagement de nos collaborateurs, y compris auprès des 2000 salariés qui sont non-informatisés. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur la carte Swile (pour les titres restaurants, NDLR) dématérialisée sur leurs smartphones personnels, afin de pouvoir poster des questionnaires et avoir leur feedback. »  raconte par exemple Ludovic Albert, directeur des Systèmes d’information et de l’Organisation de l’opérateur funéraire OGF.

« Le contexte de transformations ininterrompues (impact de la crise COVID, digitalisation de nos métiers, green IT…) nécessite une évolution de la gestion des compétences (hard et soft skills) de nos collaborateurs mais aussi de nos équipes externes : responsabilisation, autonomie, organisation produits et near/offshore, entre autres. Nous avons dû ritualiser la communication face aux nombreuses questions et incompréhensions de nos équipes. Cela n’a pas été suffisant. Nous avons donc mis en place un NPS régulier pour mesurer les retours du terrain et mettre en place un plan d’actions approprié et engageant pour l’ensemble de nos managers, clé de voute de la réussite de nos transformations. Nous avons ainsi créé un cercle vertueux entre nos collaborateurs et l’équipe managériale. » 

Stanislas Duthier – Group CIO du Groupe Rocher 

Les sujets de l’écoute et de la mesure de l’engagement interrogent par ailleurs fortement la relation IT-RH, comme nous l’ont également décrit plusieurs DSI. Ces derniers appelant de leurs vœux une plus grande implication des DRH et une ouverture plus importante sur les nouveaux sujets de la transformation, au-delà des purs aspects traditionnels de la « gestion du personnel ».

Des chantiers importants restent à mener

Cette mobilisation IT-RH sur de nouveaux sujets est l’un des chantiers bien identifiés pour pouvoir espérer remporter la guerre des talents. Certains DSI parviennent ainsi à embarquer leurs homologues aux ressources humaines sur des thèmes qui obligent tout le monde à innover.

« Nous avons réussi à impliquer les RH sur des sujets différents, comme la gestion des cycles de vie des identités numériques, en revendiquant le fait que ce n’était pas seulement un sujet IT contrairement à la perception qu’ils pouvaient en avoir. » note Pascal Dalla Torre, de Veolia.

« Chez nos clients, nous voyons que sur le sujet de l’expérience collaborateur, l’implication de la RH aux côtés de la DSI peut faire la différence. D’une entreprise à l’autre, l’approche est très variable. Cette collaboration étroite est pourtant une des clés de succès pour mettre en œuvre des expériences employé plus personnalisées, notamment dans les moments qui comptent comme lors du on-boarding, d’une mobilité interne ou d’une promotion. Or, nous observons une corrélation directe entre le niveau de personnalisation de l’expérience et le niveau d’engagement du collaborateur vis-à-vis de son entreprise » 

Christophe Duloutre – Regional Sales Director de Workday  

Photo_2_atelier workdayLa coopération IT-RH est malgré tout souvent jugé insuffisante dans de nombreuses organisations. Or, elle doit permettre de donner beaucoup plus de sens aux chantiers auxquels veulent s’atteler la majorité des DSI. En particulier, elle est clé quand il est question des liens entre expérience employé et « cybersécurité », « responsabilité numérique des collaborateurs », « développement de l’autonomie des équipes », « partage des valeurs et sens donné » ou encore « change management », pour reprendre les mots clés les plus utilisés des DSI sur le sujet lors de l’atelier.

La question de l’engagement des populations non- ou peu informatisées préoccupent également au plus haut point les directions des systèmes d’information, qui se retrouvent en effet souvent démunis vis-à-vis de leur périmètre traditionnel sur cette question.

Autre aspect clé et parfois sous-estimé : la transformation managériale nécessaire pour accompagner l’évolution de l’expérience employée. Stéphane Gerome, directeur de la Gouvernance DSI France de Carrefour, décrit l’enjeu à ses yeux : « Ce qui me frappe le plus, c’est souvent à quel point la question de l’onboarding est sous-estimée dans la préoccupation sur l’expérience employé. Nous touchons là à la responsabilité fondamentale du management qui est de former et d’évaluer à tout moment le niveau de compétences de ses collaborateurs, pour les faire progresser. Ce n’est pas une offre pléthorique d’e-learning qui changera la donne : l’autonomie, le management utile, le sens de l’engagement, cela s’apprend ! Et au plus haut niveau, le management doit se réapproprier son leadership pour montrer l’exemple et amener de nouveaux usages qui se retrouveront ensuite dans toute l’entreprise ».   

« Un des leviers clé pour améliorer l’expérience employée, est de reconnaitre à quel point l’innovation peut non seulement fédérer les équipes, mais également les motiver. C’est un facteur d’engagement fort dont il faut tenir compte, même si les nouveaux usages, par exemple collaboratifs, peuvent de prime abord inquiéter les directions générales » 

Philippe Le Coq – Directeur de pôle de compétences IT. Responsable Etudes et Développement du SI de gestion corporate de Saria France

Un sujet sur lequel se retrouve également Pascal Dalla Torre, le DSI groupe adjoint de Veolia : « Une problématique importante de l’engagement collaborateur est que les entreprises qui veulent fidéliser leurs experts ne pensent souvent pas avoir d’autres choix que de le promouvoir manager. Cela revient souvent à se priver d’un bon expert pour en faire un mauvais manager… Nous travaillons donc sur la valorisation de l’expertise, avec des parcours et des mandats qui mettent en avant leur contribution, et des engagements sur plusieurs années, à renouveler. »

« Je ne crois pas que les collaborateurs IT ont tous les mêmes attentes selon leur ancienneté, leurs domaines de prédilection ou leur trajectoire personnelle. Mais si je dois citer 3 chantiers transverses impactant pour une expérience employé différenciante, je dirais : tout d’abord bien installer une culture d’entreprise avec ses spécificités et bien partager ses valeurs par la preuve au quotidien. Ensuite, placer le management dans un rôle d’accompagnateur pour donner du sens aux activités des collaborateurs. Qu’il soit flexible, favorisant le contact de proximité et impliquant les collaborateurs activement dans les projets de l’entreprise. Et enfin promouvoir la mobilité interne et offrir des opportunités d’évolution et de développement. » résume pour sa part Nouamane Cherkaoui, de BPCE.

Ces questions deviennent plus que jamais centrales alors que les entreprises installent des modes de fonctionnement agile à l’échelle dans leurs organisations, qui dépassent le seul périmètre des compétences IT. Et pour beaucoup d’entre elles, ces changements forcent à réinventer non seulement la relation IT-Métier, mais également la place des prestataires et des « compétences externes », souvent très présentes dans les grandes organisations. L’engagement de celles-ci interroge autant que la capacité de l’entreprise à les considérer comme des collaborateurs à part entière, dans la lignée d’entreprises « étendues » devenant également « plateformes ».

« Nous constatons plusieurs évolutions sur le sujet de l’engagement des collaborateurs, à travers l’utilisation qui est faite de nos solutions et les demandes qui nous sont adressées par nos clients. Nous constatons notamment que les entreprises se pensent de plus en plus comme un écosystème de talents, internes comme externes qu’il faut constamment attirer, développer et fidéliser dans le temps. Elles cherchent à harmoniser et améliorer leur processus d’on-boarding, développer des modes d’organisation flexibles pour que l’offre et la demande de talents se rencontrent au service des missions de l’entreprise et des aspirations de leurs employés (et de leur écosystème), en bref repenser l’organisation du travail autour d’une vision systémique des compétences et de l‘expérience collaborateur. Les difficultés de recrutement et les impératifs de compétitivité accélèrent cette transition, De même, il faut pouvoir comprendre les ressorts de l’engagement des employés, du bien-être au travail et mesurer leur sentiment d’appartenance en continu. Les pratiques d’analyse des sentiments, de mesure de l’engagement et du sentiment d’appartenance ont explosé depuis la pandémie, les entreprises cherchent à dépassant les traditionnelles « enquêtes de satisfaction » pour aller plus en profondeur et détecter les signaux faibles pour mieux les traiter. »

Pierre Gousset – Vice President Presales de Workday