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La smart city, gadget ou source de profits pour les villes ?

La Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique a publié un guide sur la smart city, « Construire son smart territoire », à destination des collectivités. L’organisme et ses partenaires pointent les bénéfices que peuvent retirer les villes en mettant en place des projets numériques.

La Firip et France Stratégie ont présenté fin mai leur guide sur la smart city.

La Firip et France Stratégie ont présenté fin mai leur guide sur la smart city.

L’essor du numérique change la façon de penser la ville, c’est en partant de ce constat que la Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (Firip) a édité un guide sur la smart city, afin d’aiguiller les collectivités dans leur démarche et leur donner des clés de succès. « Nous avons observé un engouement pour ce sujet mais peu de déploiement à grande échelle », note Étienne Dugas, son président, lors du colloque de présentation organisé fin mai avec France Stratégie. Beaucoup mènent en effet des expérimentations à l’échelle de quartier, la seule exception citée étant la ville de Dijon, qui met en service un centre de pilotage centralisé et propose aux usagers de se servir de leur carte de paiement comme titre de transports .

La Firip a relevé des définitions différentes du concept de « villes intelligentes », toutes ont néanmoins pour objectif de résoudre une problématique rencontrée par la ville. Julien Vian, directeur général des services à la communauté de communes du pays haut Val d’Alzette (57) le confirme : « Nos usines sidérurgiques ont toutes été rasées à la fin des années 80, le Luxembourg a absorbé les emplois. Un projet global en open-data assurant une interopérabilité avec le Luxembourg est pour nous un moyen de redonner de l’attractivité au Val d’Alzette. » 

L’amélioration du transport, premier paramètre visible pour le citoyen

Selon l’Observatoire smart city Tactis 2016/2017, les priorités des collectivités concernent la connectivité et l’e-administration. La mobilité est le troisième pan sur lequel les villes investissent. « Uber a changé les habitudes de mobilité, les villes ont besoin de compléter leurs offres de transport public », souligne Laëtitia Gazel Anthoine, CEO de Connecthings. La start-up développe une solution envoyant des informations aux applications mobiles sur les déplacements des usagers afin de les optimiser. À VivaTech, elle a annoncé un accord avec Citygoo pour créer un service exclusif, Smart Alert, qui prévient l’usager du retard ou de l’annulation de son prochain bus ou train, tout en lui proposant une solution alternative en covoiturage urbain.

Pour Connecthings, la smart city est avant tout un sujet d’organisation des flux. « A Lyon, notre système est utilisé pour envoyer aux habitants des informations sur la circulation, les travaux ou les pics d’affluence », détaille Laëtitia Gazel Anthoine, estimant que l’amélioration du transport est le premier paramètre visible auxquels sont attentifs les citoyens. Connecthings – présente dans 62 villes françaises, aux États-Unis, au Brésil, en Espagne et en Italie –  effectuera une levée de fonds en 2019 pour étendre encore davantage son empreinte internationale.

Pour les municipalités qui se lancent dans un projet de smart city, l’énergie est un secteur leur permettant d’éviter le moindre faux pas, tout en encourageant la transition énergétique et la réduction des coûts de fonctionnement. « Souvent, le point d’entrée des villes vers la smart city passe par l’efficacité énergétique car les solutions sont accessibles et le ROI est rapide », explique Thomas Gauthier, CEO de NodOn, une société spécialisée dans le matériel électronique connecté pour le smart building qui mène un projet avec Paris, Engie et Ubiant pour équiper 140 écoles de capteurs afin de réguler la température en fonction de paramètres. Bordeaux tente de se démarquer sur ces questions. Après avoir lancé un test en équipant les équipements publics de capteurs IoT pour réduire leurs consommations, la Ville a inauguré un incubateur pour les start-up spécialisées sur les problématiques smart city.

 « Il y a un décalage entre les possibilités et la manière dont les acteurs se les approprient »

Pour Luc Belot, directeur général de Réalités Hub5 Innovation, l’élaboration d’un projet smart city implique néanmoins un changement de paradigme : « Nos territoires doivent passer d’une logique de maîtrise d’ouvrage, basée sur l’informatique, à une maîtrise d’usage, basée sur le numérique et la transversalité. » Les communes n’ont pas toutes trouvé comment offrir des solutions en adéquations avec les attentes des citoyens. « Il y a un décalage entre les possibilités et la manière dont les acteurs se les approprient », affirme Hugo Bévort, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l’égalité des territoires, qui encourage à une connexion des territoires, entre les zones rurales et les métropoles, au sein d’un projet politique.

Dans le cadre du projet « Smart Paese » (village intelligent), Kerlink et la société corse de services informatiques (Sitec) ont construit un réseau IoT dans le village de Cozzano pour monitorer les infrastructures communales. « Ce petit réseau privé constitue une étude de cas intéressante sur la façon dont des institutions publiques peuvent faire équipe avec des entreprises innovantes pour empêcher les communautés rurales de prendre du retard », estime Jean-Sébastien Gualtieri, ingénieur de recherche en informatique à Sitec.

Le prochain sujet à aborder pour les villes devrait concerner l’engagement des citoyens. « Aujourd’hui, les CivicTech n’ont pas de business-modèles », estime Luc Belot. La ville de Saint-Etienne a annoncé à ce propos l’expérimentation avec Suez d’une plateforme de la donnée publique, qui devrait être opérationnelle en fin d’année. Le cabinet de conseil Citizing, qui a réalisé une étude sur le ROI de cinq projets smart city, souligne que l’essentiel n’est pas d’instaurer des solutions smart pour se distinguer mais de mettre en place des initiatives utiles qui répondent à un besoin.

Retrouvez l’interview de Julie de Brux, fondatrice de Citizing, sur son étude de projets smart city :

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