Pour Aramis Group, l’IA révolutionne le travail des experts du reconditionnement

Aramis Group est bien connu en France en tant que champion du reconditionnement d’automobiles. Il est également présent en Belgique, en Espagne et au Royaume-Uni, et vient d’étendre sa présence à l’Autriche. L’emploi de l’intelligence artificielle est assumé comme un levier important de transformation, que ce soit au niveau des activités e-commerce ou au cœur de l’activité de reconditionnement. Anne-Claire Baschet, chief product & data officer du groupe, revient sur le cas d’usage IA qui a le plus changé la donne ces derniers mois pour son activité.

>> Cet article est extrait du Carnet d’expériences « Les champions français de l’IA »

Comment passe-t-on d’innovations IA dédiées à des activités e-commerce, à d’autres qui vont jusque dans les usines de reconditionnement ?

Anne-Claire Baschet, Chief Data Officer d’Aramis Group

Anne-Claire Baschet, Chief Data Officer d’Aramis Group

L’entreprise doit être capable de détecter les opportunités technologiques sans s’enfermer. L’idée est de savoir s’organiser pour créer de la valeur pour le client, avec créativité à différents endroits dans l’entreprise, avec la data et l’IA. La proposition de valeur d’Aramis Group est d’être la plateforme préférée des Européens pour revendre, acheter, financer ou s’abonner à une voiture d’occasion reconditionnée.

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Notre plateforme e-commerce est donc au cœur de la simplification de l’expérience pour nos clients européens. L’IA permet de faciliter la visite de la voiture depuis chez soi, dans son canapé, avec une expérience immersive à 360 degrés, tout en visualisant l’ensemble des caractéristiques et défauts du véhicule. Nos clients recherchent la sécurité et des véhicules au prix compétitif ce qui, selon leur budget, ne signifie pas nécessairement des véhicules sans aucun défauts de carrosserie : c’est tout le savoir-faire du reconditionnement que de trouver le juste équilibre entre prix et état esthétique du véhicule, et ce en toute transparence.

« Nous avons déterminé un cas d’usage de reconnaissance automatique des défauts de carrosserie à partir d’un portique qui capte puis analyse en 3D l’image du véhicule. » Cliquez pour tweeter

En complément, nous avons développé une activité de marketplace pour des partenaires qui peuvent proposer leurs propres véhicules reconditionnés sur notre plateforme, ce qui engendre pour Aramis Group de nouveaux enjeux, notamment au niveau de l’analyse et de la présentation des données qui vont être partagées avec les visiteurs. De même pour le rachat de véhicules, l’IA aide à reconnaître les documents dans les images et à anonymiser les bons passages de texte avec du natural language processing, afin de protéger les données personnelles. Ce sont des ensembles de microservices technologiques : avoir une approche transversale sur la data et l’intelligence artificielle permet de réutiliser ces services d’un cas d’usage à un autre. Et effectivement, cela va jusqu’à notre usine de reconditionnement, avec de la computer vision et de l’aide à la décision pour nos experts.

Comment fonctionne cette innovation ?

Dans notre usine, quand le véhicule arrive, avant même d’être reconditionné, il y a une étape très importante où il est expertisé. C’est un point qualité essentiel pour repérer les défauts, comme les rayures ou les enfoncements. Cela permet de définir le niveau de reconditionnement de la carrosserie qui va devoir être effectué. À la suite de cette expertise, on sait donc aussi quels gestes techniques, comme le débosselage, seront à effectuer. Nous identifions aussi les défauts qui, volontairement, ne seront pas traités car cela n’apporterait pas de valeur différenciante pour le client. En matière de gestes, cela demande à l’expert de faire le tour du véhicule, de regarder avec attention au-dessous et sur le toit, ce qui présente une forte pénibilité. Pour l’aider, nous avons déterminé un cas d’usage de reconnaissance automatique des défauts de carrosserie à partir d’un portique qui capte puis analyse en 3D l’image du véhicule qui passe au-dessous. Un écran indique ensuite à l’expert l’ensemble des défauts du véhicule pour faciliter sa prise de décision.

« Une stratégie qui est souvent gagnante est d’avoir une pensée orientée API et microservices. » Cliquez pour tweeter

Comment avez-vous convaincu les experts de l’intérêt de la démarche et de ses résultats ?

Nous n’avons pas du tout une logique top down de l’innovation. Nous nous sommes basés sur les suggestions de l’équipe travaillant dans l’usine de reconditionnement, qui voulait gagner du temps, réduire la pénibilité et améliorer la qualité pour le client. Nous sommes allés voir directement à l’usine ce qui était fait pour retracer la méthode actuelle, les temps d’attente et la charge de travail à chaque étape. Puis, toujours en équipe, nous avons déployé un produit data à l’image de notre organisation, en créant un nouveau rôle de data product manager qui découvre, comprend et porte la valeur pour l’utilisateur du produit data.

Avec cette méthode, nous avons mis moins de six mois pour atteindre un taux de reconnaissance acceptable de 80 %. Le plus long est ensuite d’aller chercher les points de pourcentage en plus, qui vont souvent être liés à des facteurs de détail, en fonction des réalités très différentes du terrain. C’est à ce niveau-là qu’une approche d’amélioration continue et en équipe data, métier et utilisateur est fondamentale. Notre conviction est qu’il faut sortir de la logique de projet IA avec un début et une fin, pour assumer une logique de produit IA qui vit dans le temps, avec des rituels réguliers au sein même de l’usine, au plus près des utilisateurs.

Comment s’assurer qu’une IA est acceptée par une population de sachants métier, comme vos experts ?

Il est de notoriété commune que, même entre eux, les experts ne parlent pas tout le temps le même langage, chacun ayant sa spécialité. Cela peut rendre la collaboration difficile ! Nous appliquons donc une approche de 4F commune à l’entreprise et issue du lean management : d’abord Find, c’est-à-dire redécouvrir collectivement comment fonctionne le processus ciblé ; ensuite Face, via le recours au management visuel pour mettre à plat l’ensemble des problèmes à chacune des étapes et pouvoir partager une vision commune des problèmes, en équipe, au-delà des formations, des biais, des attentes de chacun.

Le troisième « F » renvoie au Frame : quel gap d’amélioration vise-t-on et quel est le défi à relever en équipe ? Quand on n’a pas les mêmes références en matière de qualité, entre une équipe data et des experts du reconditionnement automobile, cela ne peut pas fonctionner. Il faut donc un défi et des métriques communes. Par ailleurs, cela permet de toucher le sujet de la responsabilité des retours qualité par exemple, entre l’homme et l’IA. C’était un point qui n’avait pas été exprimé au démarrage et que le travail collectif a permis de mettre en évidence, pour éviter les frictions. À partir de là, le dernier « F », Form, permet d’entrer dans la réalisation et les itérations autour du produit, toujours en équipe afin de maximiser la valeur pour le client.

Quelles sont les métriques les plus utiles pour mesurer le succès d’un tel projet ?

On entend souvent dire que l’un des points à surveiller avec les outils IA est leur adoption par les équipes. Je pense que l’on se trompe à vouloir seulement se concentrer sur ces aspects ; avec un travail collectif dès l’origine, intégrant les experts métier, cela règle en grande partie cette problématique. Les autres indicateurs, de sécurité, de qualité, de vitesse de flux de production et de valeur incrémentale générée pour le client, sont essentiels et doivent être mesurés en continu, pas uniquement au lancement en mode projet.

Quels sont pour vous les prérequis technologiques obligatoires pour mener à bien ces projets ?

Chaque contexte est différent. Cela dépend beaucoup d’où on en est et d’où on part. Toutefois, une stratégie qui est souvent gagnante est d’avoir une pensée orientée API et microservices. L’important est de pouvoir composer au maximum avec la variété de l’environnement technique dans lequel on évolue, que ce soit des environnements cloud ou on-premise. On dépasse la mode du move to cloud de principe, pour retourner à davantage de pragmatisme et de flexibilité sur les sujets d’infrastructure, pour gérer au plus juste nos contraintes techniques comme économiques, au service toujours de la valeur pour le client.