Pour bien recruter, commençons par écouter…

Bien cerner les attentes de ses collaborateurs, c’est les interroger correctement au démarrage et continuer de recueillir leur avis une fois qu’ils sont en poste. Un processus continu !

Pour bien recruter commençons par écouterPour mener à bien son enquête « Great Insights » (parue le mois dernier), l’équipe de Great Place To Work a interrogé près de 4 500 salariés français. Et c’est presque le quart d’entre eux (22 %) qui déclare qu’il va quitter son entreprise sous six mois. « Imaginez, quand vous êtes en réunion : si vous êtes quatre autour de la table, l’un de vous se dit qu’il sera bientôt parti », a souligné Jullien Brézun, directeur général France.

Ces velléités d’aller voir ailleurs s’expliquent en partie par la « quête de sens » dont on parle beaucoup depuis 2020, ou plus précisément la qualité de la rencontre entre le collaborateur et son poste : la façon dont il se l’approprie, comme l’expliquait très bien le psychologue Eric Doazan dans cet entretien. « Etre engagé ne veut pas dire être parfait », a rappelé aussi Jullien Brézun. Mais c’est déjà un premier pas. Alors, comment faire pour s’engager un peu plus ? Commençons peut-être par tendre l’oreille, pour écouter les (réelles) attentes de nos équipes et futures recrues.

Les plateformes d’avis de salariés, comme Glassdoor, se heurtent à la question de la représentativité. L’échantillon qui poste pour donner son avis sur l’entreprise à laquelle il appartient (ou qu’il vient de quitter, dans des conditions plus ou moins heureuses) n’est pas forcément épais, ni représentatif. Il peut s’agir des plus mécontents… Ou pire, de salariés qui n’ont en réalité jamais fait partie des effectifs, puisque personne ne vérifie leur parcours. Sur Glassdoor, il faut aussi créer un compte et déposer un avis pour pouvoir lire ceux des autres.

Nicolas Marette est le fondateur de CustPlace, une plateforme qui gère depuis dix ans les avis de consommateurs. Fort de cette expérience, il vient de lancer le site avisalarié.com, l’équivalent pour les avis de collaborateurs. « Cela fait un an et demi que nous y travaillions. Nous avons invité l’Afnor à décliner sa norme dédiée aux avis clients, pour pouvoir y prétendre et ainsi valider la qualité de notre travail », explique-t-il.

Mission accomplie. Le nouveau site de Nicolas est donc le premier à décrocher cette certification pour laquelle il a milité (norme ISO 27001 portant sur le mode de recueil de l’information).

« Côté CustPlace, nos clients Grands comptes regardent les avis à la loupe, sont très attentifs au RGPD et nuances sémantiques… Chez les DRH, le marché est encore émergent, mais ils ont pris conscience de l’importance de faire entendre la majorité silencieuse. La non-représentativité des avis sur les grandes plateformes et job-boards est un miroir déformant. »

L’équipe de Nicolas propose un programme à ses clients pour collecter le maximum d’avis : il s’agit de faire la demande aux collaborateurs aux moments opportuns (lors de l’entretien annuel notamment) et de toucher toutes les catégories de salariés, sans faire de « tri », ni de censure, comme l’exige l’Afnor. « Chez nous, il faut aussi être en poste pour pouvoir laisser un avis », précise Nicolas Marette.

Les avis sont relayés simultanément sur le site de la marque employeur et sur avisalarie.com. Un outil d’analyse sémantique permet de « traduire » le sentiment des salariés, il le synthétise en langage naturel à destination du DRH. « Cela permet à l’entreprise de disposer d’une feuille de route concrète pour améliorer la satisfaction de ses collaborateurs, reprend Nicolas Marette. Notre solution compte déjà, parmi ses clients, Tryba, Icade, ou encore le groupe d’intérim Partnaire. La marque-employeur vient nourrir la marque tout court et Google ne s’y trompe pas, lorsqu’il pousse aux consommateurs les entreprises bien notées par leurs… salariés. »

Autre piste, chez Golden Bees, qui met le marketing programmatique au service des RH : poser de « vraies » questions au candidat sur ses attentes. Ne présumer de rien. Ne pas penser que ça va de soi, ou qu’il exprimera spontanément ce qu’il a à dire. « C’est quoi, une embauche réussie ? s’interroge Nolwenn Pigault, directrice Marketing de l’entreprise. Est-ce le fait que le candidat reste à l’issue de sa période d’essai ? Ou le fait qu’il soit « performant” en l’espace de trois mois ? Pour répondre à cette question, encore faut-il être parfaitement au clair à la fois sur vos attentes en tant qu’employeur… et sur les attentes du candidat. Cela fonctionne dans les deux sens. »

Or, l’enquête Golden Bees intitulée « Comment éviter de planter sa marque-employeur » indique que 60 % des recruteurs n’étudient pas les attentes des candidats pour s’y adapter.

Le monde de la Tech, tout progressiste qu’il s’affirme, n’est pas épargné par cette forme de surdité. En témoigne la « bombe » qu’a représentée le mouvement « Balance ta start-up », en fin d’année 2020 sur Instagram. « L’écosystème est sonné par des témoignages qui pointent un management toxique ou des ambiances rances, écrivait le site des Echos Start. Une première dans ce milieu que l’on considère jusque-là comme le summum du cool, repère par excellence de jeunes brillants diplômés qui se détournent des grands groupes, lassés par leur prétendue inertie. On aurait pu croire que certaines start-up étaient condamnées, il n’en est rien. Pour les start-up touchées par les témoignages relayés sur Balance ta start-up ou Balance ton agency il y a six mois, l’activité continue. Toutefois, ce mouvement de libération de la parole a mis la lumière sur la qualité de vie au travail dans les jeunes pousses, avec chez certaines de vraies améliorations. »

Attention, parmi les sujets prioritaires de demain, il y a sans doute l’empreinte environnementale de l’entreprise, car les salariés sont de plus en plus nombreux à souffrir de la « dissonance » entre leurs convictions personnelles et les actes (ou plutôt l’absence d’actes) de leur employeur.

D’après une enquête Kantar pour Imagreen, 3,7 millions de personnes ressentent ce décalage et jugent sévèrement l’inaction de leur entreprise. Un quart des cadres (y compris membres de la gouvernance) avouent ne pas bien maîtriser la RSE (un salarié sur deux est dans ce cas). Et parmi les salariés disant ressentir une « dissonance », 6 sur 10 envisagent de quitter leur entreprise… 

Humains et… machines : encore une histoire de dialogue !

Du télétravail à l’usine, de l’ouvrier au cadre, le travail n’est pas une réalité uniforme. Afin de rendre compte de la variété des situations, le Conseil national du numérique a examiné fin 2022 « les relations directes entre humains et machines et celles où les corps sont médiés (comme en visioconférence), représentés (comme dans le métavers) ou  associés à la machine (comme avec des exosquelettes). »

Il a identifié dix leviers pour rendre les travailleurs « acteurs de leur relation au numérique » :

  1. Impliquer les travailleurs concernés le plus en amont possible dans la conception et le déploiement de leurs outils
  2. Former l’ensemble des parties prenantes (travailleurs, managers, partenaires sociaux, médecins du travail…) à leur usage
  3. Réaliser une étude d’impact préalable à leur déploiement, intégrant leurs effets potentiels sur le travail mais également sur les interactions au sein des équipes et les dynamiques collectives
  4. Mettre en place un dispositif de remontée continue d’informations sur la façon dont les travailleurs vivent leur relation aux outils numériques
  5. Accompagner le déploiement d’un travail hybride, entre télétravail et présentiel
  6. Assurer l’effectivité d’un dialogue social ouvert à plusieurs niveaux, régulier et transparent incluant l’ensemble des parties prenantes concernées par les outils numériques
  7. Faire du numérique au travail un pilier de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises
  8. Rendre la régulation sur les outils numériques de travail efficace et effective
  9. Accroître la vigilance et l’effectivité des droits des travailleurs en matière de surveillance au travail.
  10. Encourager et approfondir la recherche sur les outils numériques de travail et leurs apports et impacts sur les travailleurs