Groupe Rossignol veut connecter le ski

Le projet Smart Ski Experience, mis en œuvre par un groupement d’acteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes autour du leader mondial du ski Rossignol, cherche à offrir une « nouvelle » expérience aux amateurs de glisse. Explications par Xavier Roussin-Bouchard, directeur de l’innovation du groupe.

Groupe Rossignol veut connecter le skiAssocié avec Global Sports Week, le premier forum international en France de l’écosystème du sport, VivaTech proposait pour la première fois cette année un espace de plus de 9 000 mètres carrés dédié au « Future of Sport ». Parmi les exposants, Rossignol, présent sur le stand de la région Auvergne-Rhône-Alpes et Xavier Roussin-Bouchard, directeur de l’innovation du groupe, qui tient dans la main un petit capteur autonome en énergie à placer sur le ski…

« C’est le premier dispositif connecté sans batterie, explique-t-il. Ce capteur communique en Bluetooth avec les smartphones pour visualiser sous forme d’un score la maîtrise technique globale du skieur et son niveau », en récupérant les paramètres clés que sont la puissance d’appui sur les skis ; la fréquence de virages et la vitesse… « On arrive ainsi à donner les capacités du skieur en cinq virages. Ce qui permet de suivre très objectivement ses performances ! », précise-t-il.

Le secret de cette technologie ? Deux dispositifs piézoélectriques transforment la contrainte mise sur le ski pendant le virage en une énergie électrique qui alimente l’électronique ultra-faible consommation et qui estime la force exercée par le skieur sur ses skis. Une énergie utilisée pour réaliser des calculs et stocker l’information avant de l’envoyer par Bluetooth sur le téléphone du skieur…. Via une appli, ce dernier pourra alors évaluer son niveau (débutant, intermédiaire, avancé ou expert), se challenger avec ses amis, mais aussi participer à un défi par jour pour s’améliorer…

Pour les trois partenaires engagés, que sont Lumiplan (leader de l’information temps réel pour les stations), le CEA  (R&D) et Rossignol, l’objectif est clair : améliorer sa technique de ski ; enregistrer son temps de pratique ; adopter la bonne paire de ski et rendre plus ludique une telle activité sportive… pas toujours facile à appréhender pour un amateur. De quoi également imaginer ouvrir ce sport à l’économie circulaire…

Accompagné par le cluster Montagne sur une durée de 36 mois, le projet dispose d’un budget de 1 million d’euros en R&D, financés à 40 % par la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Les premières expérimentations se sont déroulées en février dernier, lors des Championnats du monde de ski alpin Courchevel Méribel 2023. De quoi travailler pour les partenaires du projet autant sur la définition des nouveaux besoins utilisateurs que sur les évolutions techniques liées aux contraintes du marché…

Après cette première étape franchie au bout de dix-huit mois (sur 36), le programme entre désormais en phase d’industrialisation et de stratégie de commercialisation. « C’est une innovation de rupture technologique, mais aussi de notre métier, explique-t-il, car il nous faut encore trouver le business modèle qui va avec ce capteur. C’est un changement complet de paradigme dans un domaine où le digital reste encore balbutiant. »

Le ski ne pourra en effet pas échapper à la digitalisation des pratiques, estime l’expert. Pour autant, le groupe avait raté une première tentative il y a quelques années en dotant la chaussure d’un capteur amovible. « Il y a eu des problèmes techniques et le prix n’était pas adapté. Cette fois, les premiers essais ont beaucoup plu et tout le monde skie avec son smartphone dans la poche… Pour autant, il faut avoir en tête que certains ne veulent pas se connecter à leur ski… et qu’au contraire, ce moment de sport est un moment de déconnection totale. »

Délivré via une application mobile, le « score » obtenu reflète parfaitement la maîtrise technique du skieur. Une innovation unique au monde.

Alors, faut-il vendre ce boîtier seul ou déjà collé sur les skis ? Faut-il réserver l’innovation uniquement aux produits du Groupe Rossignol ou le diffuser plus largement ? Faut-il la réserver aux loueurs de ski ou à toute autre école de ski de montagne ? Les cibles possibles sont nombreuses, selon l’expert :

  • Les stations pourraient s’en servir pour analyser les pratiques en fonction de chaque piste du domaine, tout comme les fabricants de ski pour mieux comprendre l’utilisation et l’usure de leur matériel ; « On pourra par exemple connaître la valeur résiduelle d’un ski », indique-t-il.
  • Les professeurs auraient un outil pour suivre la progression des élèves car, « en gratifiant la performance technique, on peut récompenser les débutants. Le ski est un sport qui nécessite du conseil pour progresser et de la pratique ! », ajoute-t-il.
  • Les loueurs de matériels pourraient connaître exactement le temps de ski de chaque utilisateur et ne faire payer les skieurs amateurs qu’à l’usage…

Une dernière piste qui ouvre la voie à un nouveau modèle économique basée sur la vente de services associés et la circularité ! « Le numérique pour Rossignol n’est pas une fin en soi. Il permet d’abord de nourrir notre stratégie d’innovation, en facilitant l’accès à la pratique et en réduisant l’impact environnemental de nos produits, tout en augmentant leur performance et la sécurité », conclut Xavier Roussin-Bouchard enthousiaste.

L’hiver prochain, l’application sera encore en phase démo en Europe, avant d’aller s’attaquer au premier marché du fabricant, que sont les Etats-Unis. Techniquement opérationnelle, l’innovation pourrait être mise sur le marché d’ici deux à trois ans.

  • Le groupe Rossignol (1 200 personnes, dont 350 en France), spécialiste des sports de montagne, a vu ses ventes 2022-2023 s’améliorer de 28 % par rapport à l’exercice précédent, sur les 12 mois conclus le 31 mars dernier.
  • Avec ses marques phares Rossignol et Dynastar, mais aussi Lange, Risport, Look et Kerma, le groupe de 116 ans, basé à Voiron (Isère), affiche des ventes de 401 millions d’euros, et compte atteindre les 500 millions d’euros en 2026.
  • D’ici là, il investira 50 millions d’euros sur la période pour « transformer son modèle » et renforcer sa politique RSE (matériaux plus respectueux de l’environnement, écoconception, réduction des déchets, recyclabilité…).
  • La R&D complète du groupe compte une soixantaine de personnes. Le groupe compte 3 usines en France et un centre logistique, et deux autres sites à l’étranger.