Ippon Technologies : “La data est désormais au centre du sport”

Comme le reste de la société, le monde du sport est influencé par le numérique et particulièrement par l’utilisation de la data. Partenaire du podcast Tech in Sport, lancé par Alliancy en amont des JO 2024, Ippon Technologies évoque par la voix de Bertrand PinelCTO (chief technology officer) et associé de l’entreprise, les défis technologiques actuels pour les acteurs du sport professionnel.

Alliancy. Comment la montée en puissance du numérique s’est-elle manifestée dans le sport ces dernières années ?

Bertrand Pinel : La collecte d’informations est au cœur du travail sur la performance au sein des fédérations. Elle est mise en place dès le plus jeune âge sur les potentiels les plus prometteurs. Grâce à certains indicateurs, on peut comparer les athlètes et savoir lesquels sont réellement performants. La data est désormais au centre du sport. Le fait qu’elle soit importante n’est pas nouveau. De tout temps, on a collecté de la donnée, mais elle était difficilement agrégeable. Elle était compilée sur des feuilles Excel, des carnets de notes et l’effort pour les croiser était important.

Alliancy. Où en sont les organisations et notamment les fédérations ?

BP : Nous sommes entrés dans une ère où nous mettons à disposition l’intégralité de la donnée. Au sein des fédérations, un décloisonnement est nécessaire face à une logique en silo qui perdure. Toutes les fédérations ne sont pas logées à la même enseigne. Tout est évidemment fonction de leur budget. Mais au sein des plus importantes d’entre elles, le mouvement est véritablement enclenché. Il y a 20 ans, elles construisaient leurs systèmes d’informations (SI). Elles ont compris que ces systèmes devaient être dotés d’un complément data. Toutes les applications SI nourrissent et alimentent désormais ces données. Ce fonctionnement a été mis en place de manière particulièrement efficace au sein de la Fédération Française de Rugby. 

Alliancy. Vous accompagnez aussi bien des entreprises que des organisations sportives. Quelles différences notables relevez-vous ?

BP : Les projets ne sont pas notoirement différents. Mais c’est un monde de passionnés, qui ne sont pas là par hasard. Ils sont plus engagés, portent davantage les projets, ce qui les rend plus imaginatifs. Les prises de décision sont en revanche plus compliquées, car les personnalités sont davantage affirmées. Et puis les présidents de fédération, à l’instar de celle de rugby, sont élus. Il existe un aspect politique encore plus fort que dans la commande publique parce qu’au sein des fédérations, il y a plus de mouvements. Chez Ippon Technologies, nous nous adaptons à ce contexte pour valoriser la data, en intégrant les problématiques liées au cloud, car les masses de données sont considérables. Nous nous servons de notre expérience pour proposer des stratégies immédiatement applicables, mais aussi des développements futurs. Ce qui correspond à la double temporalité des fédérations : le court terme et le futur.

Alliancy. Le monde du sport s’inspire-t-il des entreprises ? Ou est-ce l’inverse ?

BP : Je ne suis pas certain que les deux se regardent. Le monde du sport est plus innovant, simplement parce qu’il faut toujours chercher l’avantage concurrentiel qui est intrinsèquement lié à la compétition, où tout se joue à peu de choses. Les charges d’entraînements sont très précises. Les paramètres sont pilotés avec la même minutie. Tout cela peut finalement se traduire par 2 ou 3% de puissance musculaire en plus. Mais c’est souvent suffisant pour créer une différence. C’est particulièrement visible dans certains sports qui sont en avance comme la NFL (la ligue professionnelle de football américain, NDLR).

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Alliancy. Quelle opportunité représentent les Jeux olympiques pour l’innovation au sein des fédérations et des clubs ?

BP : Les fédérations sont déjà dans l’après-JO. Elles travaillent déjà sur les effets de la tenue de l’évènement en France. Aujourd’hui, l’accent est surtout mis sur la partie publique. Le plus souvent, ces organisations tentent d’attirer de nouveaux publics vers leur sport, en tirant parti des affluences exceptionnelles générées par ce type de manifestations. Faire venir du monde, c’est élargir ses bases de données. La fédération française de triathlon est en pointe sur le sujet. 

Alliancy. L’abondance de données peut-elle être nuisible à l’innovation dans le sport ?

BP : La data prend parfois trop de place dans le haut niveau. Elle ne doit surtout pas remplacer l’humain. Et elle n’est pas omnisciente. Impossible pour elle de qualifier la qualité du sommeil d’un athlète. Si un champion traverse une période de doute, s’il est trop obnubilé par « ses datas », il peut davantage peiner à trouver le moyen de s’en sortir. Ce qu’on a dans la tête compte souvent plus que ce qu’on a dans les jambes.