Jean-Marc Defaut (Capgemini) : « On demande au DSI de réaliser un saut quantique »

Pour accompagner la transformation de l’entreprise, les changements demandés à la direction des systèmes d’information sont extrêmement forts. Les principaux concernés modifient leurs postures culturelles et technologiques, analyse Jean-Marc Defaut, Senior VP Cloud COO Europe chez Capgemini.

Jean-Marc DEFAUT, Senior Vice Président Cloud COO Europe, Capgemini.

Jean-Marc DEFAUT, Senior Vice Président Cloud COO Europe, Capgemini.

Alliancy. Peut-on dire qu’en 2017, les directeurs du système d’information, vont encore voir les tensions sur leur métier augmenter ?

Jean-Marc Defaut. Le rôle du DSI est sous tension en permanence, ce n’est pas nouveau. Il a continué à évoluer très fortement ces derniers mois alors que les entreprises réalisent leur transformation numérique. Il y a quelques années, cette tension prenait avant tout la forme d’une injonction paradoxale : « faire plus avec moins ». Cette problématique historique était très prenante mais relevait avant tout de l’optimisation. Aujourd’hui, alors qu’on lui demande d’entrer dans l’arène digitale, c’est un changement de perspective. On ne lui demande plus seulement d’aller plus vite, on lui demande d’aller sur la Lune ! Autrement dit, de faire complètement différent. Le discours des directions qui veulent que leurs DSI soient aussi agiles et innovantes que les start-up qui expérimentent sans contrainte, tout en restant dans le même budget, revient à demander aux DSI un « saut quantique ».

Ces sujets alimentent les débats autour des DSI depuis plusieurs années : concrètement, leur posture face au problème a-t-elle changé ?

Jean-Marc Defaut. Quand on gère ces problèmes au quotidien, ce qui est symptomatique c’est que l’on voit la trace de ce changement dans les cahiers des charges. Les DSI veulent maintenant diminuer l’énergie et l’argent dépensés sur les projets traditionnels de l’ordre de 25 à 40%. Ils veulent réduire les défauts de 70% minimum. Ils veulent accélérer le rythme du release management des applications, en le multipliant, a minima par deux ou trois, voire par dix ou plus. Derrière cela, on sent l’ambition de devenir aussi vif que les meilleurs du marché… même quand ceux-ci sont des pure-players du digital, qui ne connaissent pas le poids de l’existant, et qui viennent disrupter des secteurs entiers.


Infogérance et téléphonie mobileL’accès facilité au cloud n’a-t-il pas permis de leurs donner de meilleures armes pour lutter contre ces acteurs ?

Jean-Marc Defaut. Les DSI nous disent qu’ils comprennent bien les offres et les possibilités technologiques qui s’offrent à eux aujourd’hui. Le problème est plutôt : comment faire pour bâtir le modèle opérationnel qui va aller avec ? De quelles nouvelles compétences j’ai besoin ? Comment j’accompagne mes équipes ? Comment j’arrive à mener une reconquête sur la crédibilité de l’IT interne vis-à-vis du reste de l’entreprise ? Les  nouveautés technologiques peuvent être parfois difficiles à appréhender, mais généralement les DSI arrivent à s’en emparer rapidement. La réforme de son système d’information historique, par contre, est une vraie souffrance. Peu de personnes s’y confrontent entièrement car c’est affreusement complexe. Dans notre réflexion, l’automatisation est au cœur des deux axes permettent cette réforme.

Quels sont ces deux questions clés pour vous ?

Jean-Marc Defaut. D’abord, comment je livre plus vite les infrastructures ? Sur le sujet, les acteurs du cloud public raisonnent en secondes, là où dans l’entreprise les mêmes questions peuvent être gérées en semaines. Ensuite, la deuxième question est : comment j’accélère mes releases applicatives ? Ces sujets sont vraiment le plus petit dénominateur commun des problèmes de transformation des DSI aujourd’hui.

Pour répondre à ces questions, notre vision est celle de la Cloud Managing Platform que nous avons conçus. Celle-ci vise à transformer l’infrastructure de l’entreprise en abstraction facilement manipulable, même en ce qui concerne le système d’information historique. Elle permet également de concevoir les services que l’on veut proposer en faisant une description graphique. Une usine de connecteurs, intégrée dans la plateforme permet ensuite de faire dialoguer toutes les parties du SI qui en ont besoin pour produire ces services. Avec une telle approche, on reproduit en interne la logique de fonctionnement des clouds publics, malgré l’extrême fragmentation des SI aujourd’hui. Un portail avec une ergonomie bien pensée permet en effet aux utilisateurs d’accéder à ces services « SI » comme on le ferait chez les grands acteurs du cloud. A partir de là, on peut également connecter plus facilement son SI aux clouds du marché, afin d’avoir une vision mieux consolidée de ce SI étendu à l’extérieur de l’entreprise.

Une telle démarche a-t-elle vocation a être compatible avec les autres chantiers de la DSI, à l’image de sa réorganisation autour des enjeux DevOps par exemple ?

Jean-Marc Defaut. Les DSI ont fait d’intenses efforts sur l’agilité ces dernières années. Le goulot d’étranglement reste souvent le manque d’industrialisation sur la mise en production. Or, c’est effectivement un sujet critique pour accélérer le rythme de release management. Adopter une « gestion cloud » en interne est en ce sens la fondation outillée pour mettre en musique une vision DevOps. Nous pensons que notre approche avec la Cloud Management Platform permet de boucler la boucle de l’agilité. En chiffre, chez un client cela nous a permis de diviser par 9 le temps de mise en production tout en réduisant les erreurs de 90%. C’est un aspect non négligeable de l’automatisation dans la perspective d’un DSI qui est obligé de penser en « multimodal » et veut jouer la carte du digital, sans déclarer forfait sur son système d’information traditionnel.

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