[Edito] « L’optimisme lucide » d’Emmanuel Macron à l’épreuve… d’Atos

« Soyez des optimistes lucides. Les décisions qui comptent sont entre nos mains, allons-y ! ». Emmanuel Macron entendait marquer les esprits en retournant au Forum Économique Mondial (FEM), à Davos, le 17 janvier après six ans d’absence. Il y a dressé un bilan de ses années au pouvoir, vantant avant tout les baisses d’impôts, les efforts de décarbonation ou encore la réforme du marché du travail. Venu avec 14 pépites de la Tech française (dont Mistral AI, Pasqual ou Qubit Pharmaceuticals), le président a aussi donné un petit air de « Choose France » et « Je choisis la French Tech » à son intervention. Il a d’ailleurs appelé à des investissements bien plus massifs en Europe pour faire face à « l’accélération du monde », en pointant notamment l’impact de la révolution IA. Des investissements chargés de muscler la souveraineté au sein du Vieux Continent sur des sujets clés… et donc d’incarner cet « optimisme lucide ».

Mais cet état d’esprit peut-il encore s’appliquer à Atos ? Loin du cocon du FEM dans les Alpes suisses, l’ex-fleuron des entreprises de services numériques (ESN) françaises vit une bien douloureuse semaine avec le départ surprise de son directeur général Yves Bernaert, assorti d’une lourde chute en Bourse. Son remplacement par le directeur financier Paul Saleh marque le cinquième changement de direction depuis 2019. Cette séquence n’est qu’un énième rebondissement dans la longue descente aux enfers du groupe, endetté pour près de 5 milliards d’euros et sorti du CAC40 en 2021. Le démantèlement et la restructuration de l’ESN n’en finissent plus de faire parler et d’inquiéter. La nouvelle tournure des discussions attire cependant l’attention sur deux points importants.

Nos confrères de BFM Business indiquent en effet que pour la première fois, la direction du Trésor, et donc l’État, a pris une part active dans une réunion menée le 16 janvier entre le groupe français et ses banques. La présence de Julien Bracq, secrétaire général adjoint du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) n’est ainsi pas passée inaperçue. Le passage d’une posture de simple « surveillance » du sujet à une participation directe dans les discussions sur la restructuration d’Atos est sans doute un moyen, tardif, de maîtriser les impacts du futur démantèlement sur la souveraineté technologique française. Atos est en effet fortement impliqué dans des projets clés pour la Défense et l’industrie nucléaire, mais également auprès de l’organisation des Jeux Olympiques 2024 et en particulier de leur cybersécurité.

Mais au-delà de ces cas saillants, il faut souligner le caractère systémique d’une entreprise comme Atos, qui a été dans le top 10 des ESN mondiales. La variété des projets et des secteurs de l’économie en transformation au sein desquels les équipes d’Atos sont engagées d’une façon ou d’une autre est un aspect supplémentaire du défi que représente la lente et vertigineuse chute de l’entreprise en termes de souveraineté. Les effets de bord seront nombreux, à toutes les échelles. Ainsi, le groupe semble avoir demandé à ses banques « des garanties financières, d’environ 500 millions d’euros, pour couvrir les éventuelles pénalités sur des contrats mal exécutés », souligne encore BFM Business. Au-delà de la survie des projets porte-étendards, comment mesurer l’impact du cumul de mauvaises exécutions de très nombreux projets de transformation numérique, sur la souveraineté, l’attractivité et la réussite française ?